lundi 19 décembre 2011

Comment SOPA pourrait concrètement briser Internet

par Joel Hruska (traduction de François Genest)

Nous avons longuement discuté du 'Stop Online Piracy Act', mais n'avons pas dit grand-chose à propos des problèmes techniques sérieux du projet de loi tel qu'il est écrit. Dépendamment de la façon dont il serait mis en application, SOPA pourrait détruire la cohésion d'Internet en endommageant la fonctionnalité du système de Service des noms de domaine (Domain Name Service ou DNS en anglais). Tel quel, SOPA exigerait des fournisseurs d'accès à l'Internet (Internet Service Providers ou ISPs en anglais) d'empêcher les usagers américains d'accéder un site considéré comme enfreignant un droit d'auteur en empêchant leurs navigateurs de «trouver l'adresse IP (Internet Protocol) de ce domaine».

La question qui se pose est : Comment ce blocage pourrait-il être accompli? Les disposition légales actuelles permettent déjà au gouvernement de demander à Verisign d'enlever les informations de DNS qui permettent de trouver tout site web donné (nous utiliserons l'exemple pirates.com). Le gouvernement pourrait aussi saisir pirates.com en vertu de lois existantes permettant la saisie. Autre alternative, si un site délictueux était hébergé par un fournisseur DNS américain, le gouvernement pourrait demander à ce fournisseur de mettre fin au service. Dans ce dernier cas, le site pourrait quand même se déplacer sur un nouvel hôte.

Toutes ces méthodes sont déjà permises par les lois américaines existantes et ont été utilisées dans le passé. La troisième option, telle que rapportée par Dyn et, à ce qu'on dit, envisagée par SOPA, est la création de listes noires restrictives de DNS. Avant de plonger dans ce sujet, voyons comment le DNS fonctionne concrètement :



Le DNS est ce qui permet à votre navigateur de trouver n'importe quel site en utilisant une chaîne de caractère au lieu d'une adresse IP. Chaque client demande au serveur DNS auquel il est connecté comment trouver un domaine précis. Écrivez «pirates.com» et votre navigateur communique avec le serveur DNS de votre ISP, qui l'informe que l'adresse IP pour ce site est 12.130.102.11. Votre navigateur vous dirige vers cette adresse IP tout en affichant le nom de domaine que vous avez écrit.

Jusque là, ça va. Le problème avec SOPA, c'est que le seul moyen d'empêcher les utilisateurs américains de visiter certains sites est de créer une liste d'adresses interdites et ensuite d'empêcher seulement les citoyens américains d'y accéder. Pour donner un exemple pratique de l'impact que ça aurait sur le trafic web, considérez la sécurité  aéroportuaire avant et après le 11 septembre. Avant le 11 septembre, la sécurité aéroportuaire ne représentait rien de plus qu'un bref arrêt. Maintenant, ça prend tellement de temps que les aéroports à travers le pays ont aménagé de longues files pour réussir à contenir les gens dans un espace qui auparavant n'en recevait qu'une fraction à tout moment donné. Cette situation perdure, malgré l'augmentation massive du personnel de sécurité déployé aux terminaux pour le filtrage. Comme la carte d'Internet (ci-dessous) le montre, il y a beaucoup de trafic à filtrer.



Le deuxième point important, comme Dyn l'expose, est la question de savoir comment ces listes seront maintenues, communiquées et ajustées. Toute tentative de maintenir une liste noire compréhensive pourrait donner une partie de chat et de souris entre des fournisseurs de DNS étrangers qui enregistrent de nouveaux domaines et les détenteurs de droits d'auteurs qui tentent d'en bloquer l'accès aux États-Unis.

SOPA va-t-il briser Internet?

Dans tout affrontement de ce genre, les ISPs sont les grands perdants — plus la liste noire est longue, plus ça prend de temps pour filtrer les tentatives d'accès. Pendant ce temps, des listes mises à jour devraient être constamment réinstallées. Quiconque aurait réussi à compromettre le serveur de liste aurait un accès pratiquement illimité pour jeter l'Internet américain dans la confusion. Un server de liste dans un dépôt centralisé pourrait aider à sécuriser le tout, mais qui serait responsable d'en payer le prix?

Comme Dyn le fait remarquer, des utilisateurs avisés pourraient circonvenir SOPA en utilisant des hôtes DNS outremers. Les États-Unis pourraient potentiellement contrer ceci en exerçant des pressions sur les fournisseurs de ces services pour qu'ils bloquent le trafic américain ou qu'il utilisent des serveurs compatibles avec SOPA. Le problème de ce scénario, c'est qu'il dégénère inévitablement en une spirale de censure et de filtrage au nom de la protection de droits d'auteurs équivoques qui pourraient ne pas avoir d'existence légale.

Comme la récente prise de bec entre UMG et Megaupload l'illustre,  les détenteurs de droits d'auteurs sont rarement des parties neutres ayant intérêt à faire respecter la loi d'une manière juste et équitable. Toute tentative de mettre en application le filtrage que SOPA suggère va affaiblir Internet en créant des portes artificielles qui seront elles-mêmes sujettes aux attaques. Il n'y a aucun moyen de boucher les trous que SOPA laisse ouverts sans l'ajout d'autres mesures draconiennes requérant des fournisseurs de DNS et des ISP outremer qu'ils s'entendent pour respecter les restrictions de SOPA. Poussée à l'extrême, la recherche de la sécurisation du contenu pourrait fracturer l'alliance douteuse qui permet aux États-Unis de maintenir le contrôle d'Internet et mener à la création d'un second réseau international. Ce n'est pas une éventualité probable — mais c'est une possibilité si SOPA est adopté.


pour en savoir plus : https://www.eff.org/deeplinks/2011/12/fight-blacklist-toolkit-anti-sopa-activists

Ajout du 24 décembre 2011:


Voici une vidéo très simpliste mais facile à aborder: http://www.guardian.co.uk/world/interactive/2011/dec/23/sopa-stop-online-piracy-act

Conseils pratiques pour lutter contre la censure d'Internet (vise le public américain, mais demeurent d'intérêt): http://gigaom.com/2011/12/23/hate-sopa-6-things-you-can-do-to-stop-it/

1 commentaire:

  1. J'ai pris l'initiative de traduire et de diffuser l'information sans attendre la permission de l'auteur, étant donné l'urgence de la situation.

    À diffuser le plus possible. Si les américains brisent Internet, ça va affecter également les Canadiens.

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