lundi 7 avril 2014

Mitshetuteuat


Marche de la Terre 2013, Montréal, François Genest

En langue Innu, Mitshetuteat signifie : «un grand nombre de personnes qui se déplacent ensemble». Tel était le nom du rassemblement de samedi dernier, organisé avec l'appui de SOS Territoire, du GRIP UQAM et d'autres organismes. Cette journée d'échanges a eu lieu dans un bâtiment de l'UQAM appelé la Chaufferie, une bonne augure, souhaitons-le, pour les relations entre les autochtones et les écologistes qui y étaient invités.

Sylphir, organisatrice d'événements artistiques et assistante aux communications pour l'occasion, a pris contact avec des aînés et a trouvé de l'hébergement pour les 12 grand-mères autochtones qui sont venues prendre la parole dans les cercles de discussions. Pour elle, l'environnement est quelque chose d'essentiel. « C'est une priorité pour l'avenir de l'humanité. Il faut en prendre conscience et être actif avec les Premières Nations, elles qui étaient là avant et qui connaissent la Nature. » Elle pense avoir des Mohawks dans sa parenté. « Au Québec, la majorité est métissée. On a une arrière-grand-mère ou un arrière-grand-père autochtone, mais c'était mal vu d'en parler. » 

Le matin a commencé avec un cercle d'une soixantaine de personnes. Cette partie de la journée était réservée aux intimes des autochtones et je me compte chanceux d'avoir pu y assister. Chacun à tour de rôle recevait le bâton de parole, se présentait et passait le bâton à son voisin de droite. Des gens se sont identifiés comme autochtones de différentes nations, comme Métis, comme Québécois, comme militants écologistes ou même simplement comme êtres humains. Puis s'est fait sentir le besoin de rétablir l'équilibre entre le masculin et le féminin et de donner la parole aux grand-mères qui, dans la conception autochtone, ont le rôle de protéger la Terre-Mère. C'était émouvant d'entendre ces femmes, avec leur force morale et leur dignité, parler de leurs savoirs-faire ancestraux et des menaces directes à leur habitat et à leur mode de vie.

Forêt de Colombie-Britannique, Wikimedia

L'après-midi était ouvert au grand public et il s'est formé de plus petits cercles d'une dizaine de personnes, chaque cercle comprenant au moins une grand-mère. Nous avions la consigne de les écouter avec respect et d'attendre qu'elles aient fini de s'exprimer avant de poser des questions. Dans mon cercle, j'ai eu la chance d'entendre une grand-mère Anishinabe traditionaliste qui ne parle ni français ni anglais. Jo Wawatie faisait la traduction de l'innu vers le français : « Imaginez l'effet sur mon petit frère de revenir chez lui au cœur de la forêt et de trouver sa maison sans aucun arbre alentour, parce qu'il y avait eu une coupe à blanc pendant son absence en l'espace de deux jours.» « Quand les compagnies forestières coupent à un endroit où les orignaux viennent habituellement se nourrir, elles ne s'en préoccupent pas. » Ces traditionalistes ont déjà été arrêtés et traduits en Cour. Leur présence gêne la mise en application des ententes de développement entre les compagnies forestières et le Ministère des ressources naturelles. En particulier, la compagnie Resolut, qui récolte dans le parc de La Vérendrye, a obtenu une injonction permanente contre toute personne qui gênerait le travail sur ses chantiers, une mesure qui vise directement la famille Wawatie et les traditionalistes qui vivent, se nourrissent et trouvent leurs médecines dans cette forêt.


La belle Lili au milieu du grand cercle de clôture. Photo Vincent-René

Quand je suis parti, la journée se poursuivait avec un souper et la projection d'un film. Mon sentiment au sortir de cet événement, c'était que les autochtones et les non-autochtones qui luttent pour l'environnement se sont reconnus et qu'ils savent qu'ils ne sont plus seuls.

5 commentaires:

  1. Merci François!
    Ce que tu fais est essentiel c'est l'effet multiplicateur indispensable si nous voulons que les cercle s'agrandisse.

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  2. http://histoire-immobilier.webs.com/mythesunionsmixtes.htm
    Première Partie: Mythes quant aux unions mixtes
    Divers mythes et spéculations motivant des requêtes de Statut Métis au Québec

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  3. Réponses
    1. Un « Esprit » pour notre survie

      Environ 134,000 ans de vie totalement écologique de tous les humains, tous chasseurs-cueilleurs... La nature parfaitement intacte avec toutes ses beautés merveilleuses, souvent douces et parfois difficiles et même brutales... mais belles. Je le perçois ainsi. Durant 134,000 ans environ, nous l'avons fait. C’est dans nos gènes.

      Puis, environ 16,000 ans de découvertes fantastiques depuis que nous avons planté les premières graines dans le sol, sélectionnant peu à peu les « meilleures ». Nous avons commencé à intervenir sur la nature « sauvage » et donc à nous en séparer progressivement. Rien de mal, une suite d'événements... « Je suis autre que la nature, car je peux l’orienter, la modifier ». Je peux, en tout cas, faire des choix parallèles à l'évolution telle que programmée originellement par cette nature sauvage et par les lois de l'évolution qui ajustent sans cesse l'ADN… Certains diraient : - le pouvoir d’agir en marge des "commandements du Créateur"... » - Rien de mal… nous pouvions dorénavant nous sédentariser (cultiver représente plus de travail, mais certains de nos ancêtres l'ont choisi ou ont été poussés à le faire). Nous avions la possibilité nouvelle d'accumuler des biens en quantité croissante, car la nécessité de se déplacer périodiquement n’était plus et que les grains se conservent très longtemps, beaucoup plus que la viande, les poissons, les racines ou les fruits. Est apparue ainsi la multiplication progressive des possibilités d'accumuler plus que son frère, sa sœur ou le clan voisin... Le début d'une nouvelle forme d'inégalités… Rien de mal peut-être, mais, au cours de ces 16,000 ans, cette aventure « hors nature sauvage » entreprise par quelques peuples a été imposée ou s’est imposée peu à peu à la majorité des humains avec toutes ses conséquences… Des cultures souffrent, des peuples meurent, beaucoup, énormément de souffrance. Là j’y vois du mal.

      Aujourd’hui un bilan est nécessaire. Un regard global sur notre histoire d’humains, une méditation sur l’évolution d’un « nous » gigantesque - 85 milliards de personnes auraient séjourné sur cette splendide planète Terre depuis notre naissance comme espèce homo sapiens -. ...Une réflexion sur notre minuscule 150,000 ans d’existence, car c’est en effet très peu en regard des milliards d’années d’existence de notre univers. Oui, on peut dire qu’un bilan s’impose, car notre survie comme humains est gravement menacée. Peut-être rien de mal à ce « nettoyage » qui s’annonce, mais, pour plusieurs, un irrésistible désir de comprendre, de chercher comment cela a pu se produire et surtout de concevoir de possibles issues de secours. Un désir de créer des conditions nous accordant un avenir, un désir d'inventer des pistes de survie, de vie… même en idées, même en poésie, en peinture ou en musique… Et aussi évidemment en actions, en révolutions, en ajustements.

      ...

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    2. Pendant 134,000 ans environ, un « esprit (Esprit ?) » a régné parmi nous. Une harmonie assez parfaite avec la Nature pour ne pas l’épuiser, ni même l’entamé. Nous redonnions à la Mère-Terre l’équivalant de ce que nous en puisions… Nous faisions pleinement partie de la nature en esprit et en actions, nous ne nous concevions pas comme étant séparés d’elle.

      Je suis profondément convaincu que cet esprit (Esprit ?) est encore vivant et que les peuples ancestraux et leur (s ?) vision (s ?) traditionnelle (s ?) en sont les porteurs et les gardiens. Cependant nous ne retournerons pas tous en arrière, c’est « mathématiquement » impossible, nous sommes trop nombreux et peut-être que la Nature est déjà trop affectée ; la quantité d’espèces vivantes trop diminuée pour nous permettre de subsister nombreux en forêt. Ou alors, comme certains le pensent, une multitude devra périr pour qu'un nombre plus restreint puisse vivre comme au temps du « beau paradis perdu ».

      La suite ? … Serions-nous en mesure de faire revivre cet Esprit partout, en chacun de nous, dans nos pensées, notre manière de nous concevoir, de concevoir le monde, et aussi dans toutes nos actions ? Un peu comme Ève Langevin* l'exprime, la façon de « vivre cet esprit» ne peut être que renouvelée, recréée, réinventée… Il s’agit de co-créer une nouvelle relation au monde en collaboration avec notre ADN. Cet ADN qui ne peut plus faire le travail d’adaptation seul à cause de la rapidité avec laquelle surviennent les changements que nous provoquons sur notre environnement. Je crois profondément en l’urgente nécessité d’accueillir en nous une « conscience agissante » engendrée, renouvelée et nourrie par cet Esprit des temps ancestraux… Cela, si nous voulons que l’humain en devenir le devienne vraiment.

      Pourquoi, à l’âge respectable de 150,000 ans, ne tenterions-nous pas cette belle aventure qui ferait de l'homo sapiens une espèce mature, accomplie, assumée… de « vrais humains » à nouveau, comme aux temps anciens ?

      Remercions les « Grands-mères »et laissons-nous guider et conseiller par elles.

      * http://evemarieblog.wordpress.com/2014/04/11/mitshetuteuat-cercle-de-parole/

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