Dans
moins de 5 mois, il se sera passé cinq ans depuis l'occupation du Square
Victoria. Le 15 octobre 2011, des milliers de personnes se rassemblaient au cœur
de la place financière de Montréal pour participer à la concrétisation locale
d'un mouvement d'appui à Occupy Wall Street. Plus tôt dans l'année, il y avait
eu le Printemps arabe et aussi le mouvement du 15 mai, dont les participants
sont mieux connus sous le nom des Indignados. L'année suivante, dans ce coin du
monde, il y aurait le Printemps érable et, plus tard encore, Idle No More.
C'est le temps pour moi de revenir sur mon expérience en tant que participant
et de préparer un écrit à l'intention de ceux et celles qui, comme moi, ont mis
la main à la pâte et ont tenté de contribuer à un changement des mentalités.
Plusieurs livres ont été rédigés à chaud, dans les mois qui ont suivi le
mouvement. Ces derniers fournissent de précieux témoignages subjectifs de
l'intérieur des mouvements sociaux. Je me situe dans une perspective plus
objective, ce qui exige de prendre du recul. C'est pourquoi j'ai graduellement
réduit mon implication dans des causes sociales et que je prends maintenant la
parole avec une certaine sérénité par rapport aux soubresauts de la vie
publique qui sont toujours présents dans la société.
À
l'époque, je me suis impliqué avec candeur, sans connaissances en matière
d'action sociale, mais avec un bagage scientifique significatif. J'ai dû
improviser — un peu comme la majorité des participants — et prendre le temps
par la suite de faire les lectures nécessaires à la compréhension de ce qui
s'était passé. Je vais tenter de transmettre ce que j'aurais aimé savoir au
moment où je me suis impliqué. Il faut donc prendre ce que j'écris comme les
conseils d'un ami, mais dont la validité ne doit pas être acceptée sans faire
preuve de jugement. J'adopte un style libre, sans plan rigoureux, de façon à
profiter de la spontanéité du moment et pour que chaque texte ait une cohérence
interne indépendante des autres. Malgré tout, il y a bien une ligne directrice
qui est d'être clair et de donner une bonne idée de l'état de mes réflexions en
date d'aujourd'hui.
Pour
commencer, la notion d'un mouvement social est moderne. On ne parlerait pas
aujourd'hui de mouvement sociaux s'il n'y avait pas eu la révolution scientifique
amorcée avec la Renaissance. Il a fallu d'abord que s'opère la prise de
conscience qu'on pouvait mieux expliquer les phénomènes naturels par des lois logiquement
déductibles que par des doctrines protégées contre la critique. C'est ensuite
seulement, avec la différenciation de la philosophie politique en sciences
économique, politique et sociologique qu'a émergé l'idée de trouver des lois scientifiques
pour expliquer l'organisation de la vie humaine. La grande difficulté rencontrée
dans ces efforts réside dans la confusion facile à faire entre connaissance
scientifique et connaissance pratique. Au fur et à mesure que des théories sont
élaborées par les scientifiques, les mentalités changent et l'organisation de
la vie humaine s'en trouve modifiée. Nous nous retrouvons dans la situation
paradoxale où les changements sociaux sont indissociables de l'évolution des
connaissances en matière de sciences sociales. J'en suis venu à penser que les
mouvements sociaux sont provoqués par la différence sensible qui existe entre
la situation réelle et ce que la société perçoit d'elle-même à travers ses
institutions, y compris les connaissances scientifiques. Lorsqu'un certain
nombre d'individus constatent une erreur de perception commune et croient que
les usages ne permettent pas de la corriger, ils arrive parfois qu'ils se
rassemblent publiquement pour remettre en question les institutions concernées, formant ainsi
un mouvement social.
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