dimanche 9 avril 2017

Les perceptions communes


Rappel : Pour comprendre la coexistence humaine, nous avons choisi une définition de l’animal humain proche de celle du sociologue Norbert Elias. Suivant son exemple, nous avons adopté une théorie des symboles bien ancrée dans la réalité physique de l’être humain et nous avons testé, avec l’exemple du prion, les limites du matérialisme quand vient le temps de clarifier un symbole aussi important que celui de la vie. Ceci nous a conduits à revenir à notre point de départ, qui se situait en biologie, et à appréhender l’existence par la voie des sens. La dernière fois, nous avons fixé le concept d’existence sensible en déterminant un ensemble de perceptions comprenant notamment le résultat du fonctionnement des organes sensoriels, mais aussi les conceptions de l’esprit, que nous considérons comme des perceptions au même titre que les sensations.

Photo de Francesco Paconi (Wikimedia)
Une perception particulière est toujours composée d’un objet perçu et de ce qui perçoit cet objet. La plupart des perceptions directes comme la vue et le toucher sont naturellement associables à des phénomènes physiques et chimiques en partie élucidés et reproductibles par l’être humain à l’aide de matériaux synthétiques. Par exemple, les caméras d’aujourd’hui captent des images de haute qualité avec une acuité visuelle que nos yeux n’arrivent pas à égaler. Même des perceptions de l’esprit comme l’espace peuvent être reproduites artificiellement à l’aide d’ordinateurs programmés pour tenir compte des lois de la perspective. Des véhicules à conduite automatisée partagent les voies publiques avec les automobilistes, les cyclistes et les piétons, ce qui amène dans l’actualité des questions morales concrètes concernant la sécurité et la responsabilité en cas d’accident impliquant ces véhicules.

Les êtres humains, comme tous les animaux, ont des perceptions individuelles. Nous parlons ici des sensations et des pensées qui se produisent dans l’esprit d’un individu particulier. Les perceptions individuelles incluent des perceptions non-communes, telles les perceptions directes des sens, mais beaucoup de perceptions individuelles sont aussi des perceptions communes à plusieurs individus. En effet, rappelons que l’être humain a la faculté d’utiliser des symboles pour se repérer dans son environnement et aussi de transmettre ces symboles d’un individu à l’autre, par-delà les générations. Les êtres humains ont donc des perceptions en commun. C’est ce qui se passe, comme je le racontais au tout début, au cours de cette rencontre imaginaire avec quelqu’un qui ne parle pas ma langue mais avec qui je peux quand même échanger sur le Soleil. À nos perceptions individuelles de l’astre du jour s’ajoute une perception du Soleil commune aux deux interlocuteurs. Le cas échéant, nous pourrons nous souvenir de cette façon de voir le Soleil et la communiquer à l’aide de symboles à d’autres humains.

Une perception commune peut transcender la langue et le temps. Par exemple, je perçois — plus précisément : je conçois — les grandes pyramides d’Égypte tout comme ont pu les percevoir des contemporains de leur construction et les innombrables générations qui nous séparent.

Depuis l’avènement de la science moderne, on observe une tendance à classer les perceptions en deux catégories : les perceptions subjectives et les connaissances objectives. À ce point-ci, il est important de noter que ces catégories sont différentes de ce que nous appelons les perceptions individuelles et les perceptions communes. Les perceptions subjectives correspondent à peu près aux perceptions individuelles non validées par la méthode scientifique et les connaissances objectives aux perceptions communes appuyées par des théories scientifiques. Dans le cadre de nos investigations, la perception est d’abord et avant tout un phénomène sensible, qui peut concerner un seul individu tout comme il peut être commun à plusieurs individus, sans jugement de valeur préalable. Pour nous, toute connaissance scientifique est une perception commune et toute perception commune est aussi une perception individuelle pour les individus qui la partagent.

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