« Engagez-vous à dénoncer la corruption partout »
Je reproduis dans cette section le commentaire que j'ai laissé sur «Détention de vote» ce matin et qui donne le ton pour mon texte d'aujourd'hui :
La dénonciation est un acte sérieux. Je respecte l'initiative de madame Dufour mais je déplore l'inefficacité de sa pétition. J'insiste : La signature ne remplace pas l'action. Quand on lit les commentaires (388) qui ont suivi la lettre ouverte de Denis McCready du 8 septembre dernier dans Voir, on se rend compte que la grande majorité de la population n'attend qu'un signe pour descendre dans la rue et suivre un chef charismatique. Heureusement, McCready est de bon conseil et dénonce cette envie de s'en remettre à un prétendu sauveur.
Je suis d'accord pour agir sans tarder et guérir notre démocratie. Mais ne reproduisons pas les erreurs des Athéniens. Qu'est-ce que ça veut dire : la corruption? Il est impératif d'en parler si nous voulons éviter de reproduire les erreurs de Périclès, Alcibiade, Critias, Socrate et Anytos. J'en toucherai un mot sur la Cité d'Athéna.
Le bain qui sert à laver la classe moyenne
La corruption est sur toutes les lèvres au Québec. La loi oblige nos gouvernements à octroyer les contrats de construction aux plus bas soumissionnaires et certains ont profité d'un système échappant à la surveillance pour gonfler les prix. Ces coûts exagérés de construction sont payés en utilisant les mêmes fonds publics qui doivent soutenir nos systèmes de santé et d'éducation déficitaires. Jacques Duchesneau a utilisé l'analogie d'un bain qui déborde (Denis Lessard, La Presse, 27 septembre 2011):
Pour M. Duchesneau, ces enquêtes à deux volets ont déjà été essayées en Australie. «Comme quand vous faites couler votre baignoire et voyez que ca déborde. Vous pouvez aller chercher des serviettes ou fermer le robinet. Je dis fermons le robinet d'abord!» illustre-t-il. En soirée, il présentait quelques recommandations concrètes pour freiner la collusion: faire en sorte que la même entreprise ne puisse concevoir et vérifier la réalisation d'un ouvrage. Freiner aussi les «contrats en cascade» où on soumissionne d'abord en bas du coût pour s'assurer d'avoir le pied à l'étrier pour se reprendre dans les mandats subséquents.
Le fermier affamé qui cultive au-dessus d'un gisement de fer
L'analogie du bain est inadéquate. S'il faut en choisir une, j'opte pour celle du fermier qui vend ses récoltes à perte en raison d'un dérèglement du marché. Il peut soit s'endetter et persévérer en espérant que les prix se stabiliseront à long terme ou bien aller voir son député pour lui expliquer qu'il faudra trouver d'autres façons de nourrir la communauté. Dans cette analogie, le fermier représente la classe moyenne qui est prise dans la tourmente financière mondiale et le député n'est autre que notre classe politique en perte de repères.
La mine patibulaire de Jean Charest
Jean Charest a parié sur le Plan Nord pour augmenter rapidement les revenus du gouvernement. Cependant, les investisseurs internationaux restent très prudents depuis le début de la crise et le Québec n'obtiendra au bout du compte aucun bénéfice réel des investissements sollicités étant donné les conditions défavorables qui régissent les négociations. Le temps est plutôt venu de prendre une pause et de faire le ménage dans nos comptes publics. La commission d'enquête tant réclamée est essentielle pour une question de confiance. La confiance ne se mesure pas en termes d'indicateurs de performance homogénéisés comme ceux que Jean Charest, Stephen Harper et François Legault tentent à toute force de nous enfoncer dans la gorge. La confiance, c'est quelque chose qui se mesure par les actes et les prises de parole. Jean Charest a perdu la confiance de la population et miné les chances du parti Libéral de survivre à sa poigne de fer.
La corruption du politique et la pollution de la Cité
Ceci étant dit, que faire? On dit vouloir lutter contre la corruption. Qu'est-ce que la corruption? Le mot : «corruption» nous vient du latin corruptio. Voici les définitions que propose le petit Robert de 1991 :
Corruption : 1) (1170) Altération de la substance par décomposition. 2) (Littéraire) Altération du jugement, du goût, du langage. 3) Le fait de corrompre moralement; état de ce qui est corrompu. 4) Moyens que l'on emploie pour faire agir quelqu'un contre son devoir, sa conscience; fait de se laisser corrompre.
Cette corruption latine rappelle la : «pollution» de notre démocratie ancestrale, celle des Grecs. Voici ce que dit Robin Waterfield à propos de la pollution dans son essai «Why Socrates died : Dispelling the Myths», paru en 2009 :
Since the gods were motivated by reciprocity, the removal of their goodwill towards the city proved that the Athenians had let them down somehow, and deserved to be punished. In other words, there was a vein of impiety in the city, which the gods were punishing. The easiest way to deal with such a trend was to make it particular, to attribute it to a single individual. This mental leap was facilitated by the Greek concept of pollution, which was seen as a kind of pernicious vapour that could spread from even a single individual and infect an entire community. Punishing a murderer was as much a religious as a legal obligation, since his miasma had to be prevented from spreading. Even animals and inanimate objects that had 'caused' a human death could be 'tried' and, once found guilty, killed or banished beyond the city's borders.
Par la suite, Waterfield explique qu'un rituel de purification annuel était observé au mois de Thargelion. Des pauvres ou des criminels étaient conduits hors des murs et fouettés. Les mots grecs pour désigner ceux-ci étaient : katharma ou pharmakos. Encore Waterson :
The flogging, and the symbolic death of expulsion from the community, diluted the ancient practice of actually killing the scapegoat. Voluntary scapegoats were far more propitious than unwilling ones, and there would always be criminals available who preferred a ritual flogging and expulsion to whatever fate the courts had decreed for them.
La nécessité suprajudiciaire d'une commission d'enquête publique
Une commission d'enquête publique remplacerait avantageusement la désignation de boucs émissaires. Nous avons l'avantage sur les Grecs de l'Antiquité de connaître quelques milliers d'années d'histoire de plus qu'eux.
La catharsis qui purgera les passions déchaînées chez les Québécois doit s'effectuer et elle ne se fera pas dans les médias ou dans la rue. Les Québécois sont éduqués et comprennent les stratégies de communication qui sont déployées pour tenter de les calmer. Arrêtons d'insulter notre intelligence et mettons en place une commission d'enquête publique au plus sacrant.
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