Le
15 octobre sera le premier anniversaire du mouvement mondial #Occupons. J'y ai
milité une bonne partie de l'année et je suis heureux de voir aujourd'hui à
quel point les personnes qui sont passées par Occupons Montréal sont encore
motivées et agissent directement sur la réalité qui les entoure. Dans mon
prochain billet, je ferai le recensement de toutes les initiatives en cours auxquelles
ont contribué des anciens militants d'Occupons Montréal. Mais aujourd'hui, je
vous livre un texte inédit que j'ai écrit le 28 mars 2012, à l'époque où il y
avait encore des assemblées générales du mouvement. Ce qui me frappe, c'est à
quel point ce texte est encore d'actualité en ce qui a trait aux rassemblements organisés par les citoyens en dehors des structures officielles que sont les partis politiques, les universités et les organismes sans but lucratif financés par le gouvernement et les entreprises privées.
Occupons
Montréal et le mouvement des Indignés
Qu'est-ce que c'est?
Occupons Montréal est la manifestation locale d'un mouvement
mondial de protection et de promotion de la dignité humaine communément
appelé le mouvement des Indignés.
Caractéristiques
générales des rassemblements
Les rassemblements se tiennent dans des lieux publics.
Un rassemblement est appelé une «occupation» et s'organise
de façon informelle pour combler les besoins en nourriture, en abris et pour
favoriser les échanges entre les participants.
Chaque rassemblement organise des assemblées pour prendre
les décisions qui ne peuvent pas être prises de façon informelle par les
individus et les groupes d'affinités.
Principes d'organisation
Horizontalité : Il n'y a pas de hiérarchie officielle
au sein du mouvement. L'importance est placée sur les relations humaines et le
sentiment de communauté. Chacun est encouragé à prendre des initiatives et à
faire preuve de jugement quand aux impacts de ses actions et de ses paroles sur
les autres.
Diversité : Les rassemblements sont ouverts à tous
sans discrimination de race, de sexe, d'âge, de richesse, de scolarité, de
condition physique ou mentale. Les différences sont appréciées et respectées. Les
conflits sont résolus par la parole et toujours dans l'optique de préserver la
bonne entente de l'ensemble de la communauté.
Transparence : Chacun est encouragé à mettre plus de
conscience dans ses paroles et dans ses gestes et à communiquer ses intentions et ses sentiments.
Les émotions sont respectées et protégées.
Cercles de parole
Un cercle de parole est une réunion d'individus qui prennent
la parole à tour de rôle. Chacun est libre de se joindre ou de quitter un
cercle de parole en cours. Un cercle de parole peut se concentrer sur un sujet
précis ou bien être une discussion d'ordre général.
Groupes d'affinités
Un groupe d'affinité est formé d'individus qui se réunissent
régulièrement pour discuter d'un sujet ou pour exercer une activité. Un groupe
d'affinité est joignable et ses réunions sont annoncées à l'avance. Un groupe
peut choisir de tenir des réunions ou de faire son activité dans un espace
soumis à des règles acceptées par la communauté. Par exemple : des règles
d'hygiène dans une cuisine, des règles comptables pour l'administration, des
règles de facilitation pour une discussion. Lorsque des groupes d'affinités se
forment dans le but d'exercer une
activité ou de préparer une proposition, ils sont encouragés à se coordonner
avec les autres en participant au conseil des groupes.
Conseil des groupes
Le conseil des groupes est un espace d'information et de
coordination. Les groupes nouvellement formés s'y font connaître. Les groupes
actifs y présentent des comptes-rendus de leurs activités ou de leurs
discussions. C'est l'endroit privilégié pour faire connaître une action en
préparation et obtenir de l'aide logistique pour sa réalisation.
Assemblée générale
L'assemblée générale est un espace d'information et de prise
de décision. On y fait le compte-rendu des derniers événements et on y annonce les
actions à venir. Lorsque des décisions importantes doivent être prises concernant
tout le rassemblement, c'est là qu'on fait des propositions sur lesquelles
l'assemblée va se prononcer.
Comment participer?
La meilleure façon de participer à un rassemblement dépend
du tempérament de chacun. On peut parler avec des participants et nouer des
liens. On peut se joindre à un cercle de parole en cours. On peut aussi
approcher quelqu'un qui exerce une activité qui nous intéresse et offrir de
donner un coup de main. Au bout d'un certain temps, on se fait une idée des
valeurs et du sentiment de communauté qui sont installés dans le rassemblement.
On peut alors voir de quelle façon contribuer de façon plus personnelle selon
les besoins que l'on perçoit.
Erreurs communes
On se trompe souvent sur le rôle de l'assemblée générale.
Contrairement aux assemblées générales d'organismes politisés, l'assemblée
générale d'une occupation n'est pas un espace où faire la promotion de points
de vue particuliers. Entre autres, il est mal vu d'y prendre la parole pour
défendre une idéologie. Pour qu'une proposition soit bien accueillie par
l'assemblée, elle doit porter sur une question d'intérêt pour l'ensemble du
rassemblement. En général, il est préférable d'interagir au niveau le plus près
possible des individus, c'est-à-dire de parler d'abord de façon informelle avec
des participants, soit individuellement ou dans des cercles de parole, et, s'il
y a besoin, initier un nouveau cercle de parole ou un nouveau groupe
d'affinité. En fait, il n'y a pas de règles strictes à suivre, mais en
respectant l'usage des différents espaces, le temps de chacun est mieux utilisé
pour le bien-être de tout le rassemblement.
Une erreur fréquente est de confondre écoute et assentiment.
Une occupation est un espace favorable aux conversations. C'est extrêmement
libérateur de sentir qu'on est écouté. Cependant, une écoute soutenue ne veut
pas dire que la personne ou le groupe qui écoute est nécessairement d'accord
avec ce qui est entendu. Une écoute véritable et respectueuse demande de ne pas
réagir à tout propos. Prendre pour acquis l'assentiment de ceux qui écoutent
mène régulièrement à des malentendus.
Questions fréquemment posées
Q Est-ce qu'il y a des
organisateurs à qui je peux parler?
R Les participants à
un rassemblement sont tous à des degrés divers des organisateurs et sont
généralement bien disposés à parler pourvu qu'on les aborde avec courtoisie.
Q Est-ce qu'il y a un porte-parole à qui je peux parler?
R Les participants à un rassemblement ont tous leur
perspective unique sur la nature et le fonctionnement du mouvement des Indignés
et sur les occupations d'espaces publics. Ils sont généralement bien disposés à
parler pourvu qu'on les aborde avec courtoisie.
Q Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut me donner une réponse
officielle?
R Il n'y a pas d'autorité constituée qui peut parler au nom
de tous les participants à un rassemblement. Il n'y a donc pas de fonction
officielle qui puisse être assumée par un quelconque participant à un
rassemblement. Chaque participant est libre de donner les réponses qu'il veut à
propos du mouvement ou du rassemblement.
Q Qui peut me parler au nom du mouvement?
R Personne ne peut prétendre parler au nom du mouvement, pas
plus qu'on ne peut parler au nom du mouvement des femmes ou au nom du mouvement
des droits civiques.
Q Qui peut me parler au nom de l'occupation?
R Personne ne peut prétendre parler au nom du rassemblement,
même si chacun est libre de donner son point de vue personnel.
Q Qui a décidé de l'organisation?
R L'organisation du campement du 15 octobre s'est faite par
les gens qui s'y sont présentés. Même si un groupe d'initiateurs avait préparé
des activités et des propositions au cours de rencontres préparatoires, il
était impossible pour eux de savoir qui se présenterait et qui participerait au
rassemblement. En général, les occupations se passent de la même façon, avec un
petit groupe d'initiateurs pour appeler à la mobilisation et ensuite une
organisation spontanée qui s'effectue sur place avec les individus présents,
leurs compétences, leurs goûts et leurs énergies.
Q J'ai une solution pour régler les problèmes du monde
actuel. À qui devrais-je parler?
R Félicitations! Prenez le temps de vous familiariser avec
les participants au rassemblement et prenez le temps de les laisser se
familiariser avec vous. Vous trouverez certainement une oreille attentive.
Q Je veux vous parler d'une activité importante à laquelle
vous devez participer. D'accord?
R Excellent! Pour obtenir une bonne participation à cette
activité, parlez-en à plusieurs personnes dans le rassemblement et prenez le
temps d'écouter leurs conseils. Si l'accueil est mitigé, c'est peut-être qu'il
faut retravailler la présentation de l'activité. Soyez conscient que la plupart
des participants ont de l'aversion pour le marketing. Allez plutôt du côté de
la clarté et de la vérité.
Q Est-ce que ça va changer quelque chose tout ça?
R Oui. Les mentalités ont déjà commencé à changer.
Pour
avoir le point de vue de ma collègue Ève du Comité de philosophie politique
d'Occupons Montréal :
mis à jour 12 octobre 2012 8h36