Le parc Outremont, Montréal |
Il
existe une grande variété d’actions directes que les citoyens peuvent
entreprendre pour influencer le cours des choses. Je décris aujourd’hui une action
à la portée de tout le monde. Cette action demande peu de préparation et peut
être entreprise par une seule personne du début à la fin, à condition d’avoir
de l’expérience en facilitation.
Une
action directe comporte au moins trois volets : la préparation, la mobilisation
et l’action. Pour l’exemple d’aujourd’hui, j’inclus également le volet de la
transmission des connaissances.
Préparation
Objectif
J’ai
voulu offrir l’occasion à des citoyens de se rencontrer dans un espace public
afin de discuter de leurs aspirations pour le Québec. Nous étions alors en
campagne électorale pour choisir le parti qui dirigera la province de Québec, c’est-à-dire
celui qui sera en charge de l’exécution des affaires courantes et qui aura le
pouvoir d’orienter les travaux législatifs des députés. Étant donné que la
presse et les partis accordaient un intérêt démesuré au spectacle de l’acquisition
du pouvoir, j’ai compris qu’il manquait aux citoyens un forum non partisan où
échanger entre eux. Par expérience, je sais que lorsqu’ils se retrouvent dans
un espace public dont l’ambiance est agréable, les citoyens du Québec parlent
avec enthousiasme de ce qui les anime et de ce qu’ils aimeraient voir advenir.
Endroit
J’ai
choisi le parc Outremont. C’est un joli parc; on y trouve un plan d’eau, des
toilettes publiques et un espace de jeu pour les enfants. Il est essentiellement
fréquenté par les gens du quartier : des mères avec leurs enfants, des
adolescents, des couples qui piqueniquent, des personnes seules qui lisent, etc.
Des gens viennent à l’occasion y pratiquer des activités de groupe : de l’entraînement
sportif, du yoga, du tai chi.
Temps
J’ai
choisi les 28 et 30 août 2012, soit quelques jours avant les élections. Débuter
à 17h15 permettait aux gens qui finissaient de travailler à 17h de se joindre à
l’action dès le début ou peu de temps après. Finir à 20h donnait près de trois
heures, ce qui, d’après mon expérience, est une bonne durée pour des discussions
fructueuses.
Mobilisation
Matériel
Les
outils de base pour mobiliser les citoyens, ce sont les tracts et les affiches.
Les tracts sont généralement imprimés sur des feuilles de la taille du papier à
lettre qui sont ensuite découpées en quatre rectangles égaux. Par simplicité, j’ai
utilisé le même dessin pour mes tracts et mes affiches.
Internet
J’ai
écrit un article sur mon blogue pour annoncer l’action et pour inviter les gens
à y participer. J’ai également utilisé les réseaux sociaux Twitter et Facebook
pour rejoindre les citoyens dans mon réseau. Sur Twitter, j’ai annoncé l’événement
à différentes heures de la journée et j’ai utilisé l’étiquette de recherche
#qc2012 pour rejoindre des gens qui ne sont pas en lien direct avec moi mais
qui seraient potentiellement intéressés.
Sur Facebook, j’ai créé un événement
avec une brève description de l’action, du fonctionnement proposé et de l’esprit
dans lequel je désirais qu’elle se déroule. J’ai écrit régulièrement sur la
page de l’événement et j’ai répondu aux messages et aux commentaires.
Tractage et pose d’affiche
Le
23 août, entre 15h30 et 17h30, j’ai parcouru Outremont pour distribuer des tracts
aux passants. Je suis entré dans certains commerces pour leur demander la
permission d’y poser mon affiche. Généralement, les grands magasins ont comme
politique de refuser les affiches à caractère politique. Dans ces cas-là, il faut
se préparer à essuyer les refus des gérants et des propriétaires. Dans les petits
commerces, l’approche est plus facile puisque les gens à qui on parle sont souvent
en mesure prendre des décisions et ne craignent pas de répercussions négatives provenant
d’un supérieur ou de clients choqués par l’information affichée. J’ai également
posé quelques affiches sur des poteaux.
Mon itinéraire pour la distribution de tracts et la pose d'affiches |
Le
27 août, je suis allé à un événement politique non partisan, en l’occurrence le
lancement du livre de Dominic Champagne, un livre intitulé: «Le
gouvernement invisible». J’ai distribué un tract à l’extérieur du lieu du
lancement, le Whisky Café, puis je suis entré. À l’intérieur, l’ambiance était
celle d’un événement mondain, ce qui n’est pas propice à la discussion et à la
distribution de tracts. J’ai acheté une copie du livre et j’ai demandé la
permission de déposer mes tracts à la table de vente, ce qui m’a été accordé. J’ai
salué les gens que je connaissais et j’ai invité l’auteur à participer à mon
action.
Table de vente sur laquelle j'ai eu la permission de déposer mes tracts |
Action
Jour 1
Le
28 août, je suis arrivé au parc Outremont en avance, de façon à pouvoir m’imprégner
de l’atmosphère du lieu et à voir arriver les participants. À partir de 17h, je
me suis promené tranquillement dans le parc en abordant les gens pour leur
annoncer qu’il y aurait une discussion citoyenne et qu’ils étaient les
bienvenus s’ils désiraient y participer. J’ai eu une courte discussion avec une
femme qui avait vu l’annonce de l’événement sur un babillard et que ça avait intéressée.
Des amis sont venus appuyer mon action et nous avons discuté un bon moment.
Cependant, comme nous étions peu nombreux, nos échanges avaient toutes les
allures d’une discussion privée. Éventuellement, j’ai refait le tour du parc
pour inviter les gens à discuter avec moi. Un homme a accepté l’invitation et
nous avons parlé longtemps.
Le parc Outremont à Montréal |
Jour 2
Le
30 août, j’ai apporté du matériel pour me faire une pancarte, de façon à être
identifiable de loin. Par simplicité, j’ai fait plastifier deux affiches que j’ai
collées dos à dos au bout d’un bâton. Ainsi, on pouvait lire la pancarte et
comprendre la nature de l’action proposée. J’ai apporté une enregistreuse, ce
qui n’est pas un élément essentiel de l’action; j’aurais pu également me contenter d’un carnet
et d’un crayon pour prendre des notes. J’ai commencé par faire le tour du parc
avec ma pancarte et saluer les gens, puis je me suis installé sur un banc avec
ma pancarte bien en évidence. La première heure, je suis resté seul et j’en ai
donc profité pour enregistrer mes réflexions sur l’état du monde et sur les
problèmes que nous vivons. Éventuellement, Dominic Champagne est arrivé à
bicyclette et s’est joint à moi. Nous avons eu une bonne discussion et lorsqu’il
est reparti, il était bientôt huit heures. J’ai marché un peu avec ma pancarte.
Il restait peu de gens et j’étais fatigué. J’ai donc mis fin à l’action et je
suis rentré chez moi.
La pancarte assemblée et une enregistreuse pour un compte-rendu (si nécessaire) |
Transmission des
connaissances
Une
action directe n’a pas toujours ce volet. Par exemple, si l’objectif tactique
est de faire réagir le gouvernement sur une question d’intérêt général, l’action
pourrait consister en un rassemblement de plusieurs milliers de personnes dans
les rues pour protester. Ce serait alors à la presse, aux intellectuels et aux
partis d’opposition de faire le travail de forcer le gouvernement à donner des
réponses satisfaisantes.
Dans
le cas de mon action directe, les discussions ont été très intéressantes en
soi, mais c’est d’abord et avant tout le processus que je trouve intéressant de
partager. J’ai appris de cette expérience que je peux agir politiquement sans
avoir besoin de militer au sein d’un parti ou d’un organisme. Je n’ai pas
besoin de me réclamer d’une cause ou d’une idéologie pour être entendu. C’est
tout le contraire, en fait. Quand on aborde les gens avec franchise et
intégrité, sans chercher à influencer leur choix politique, la confiance vient
naturellement et la prise de parole est facile.
Cela
dit, ma tâche a été simplifiée du fait qu’il n’y a pas eu une grande affluence.
Le défi d’une action directe de ce type, c’est de bien se préparer au cas où il
y aurait plus de vingt personnes. Lorsqu’on dépasse la vingtaine, même avec un
bon facilitateur, il devient pénible pour les participants de rester concentrés
sur ce que les autres disent. Il faut être attentif à l’énergie des participants
et être prêt à refaire des groupes plus petits sans perturber les échanges.
Aussi, lorsqu’il y a des discussions de groupes intéressantes, il faut être en
mesure d’indiquer aux participants comment obtenir des comptes-rendus. Sans
comptes-rendus, une action directe de prise de parole présente nettement moins
d’intérêt. Dans mon cas, je prévoyais créer des groupes de petite taille au fur
et à mesure de l’arrivée des gens. Chaque groupe aurait eu un volontaire pour
faciliter et j’aurais recueilli les témoignages des facilitateurs. Ça reste une
expérience à tenter pour une prochaine action directe.
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