Avant
d’arriver sur le site de l’occupation, le 15 octobre 2011, je n’avais lu qu’un
seul sociologue. Au début de la vingtaine, on m’avait conseillé de lire :
« Le Choc amoureux » de Francesco Alberoni. Dans ce livre[i],
qui a connu un succès populaire durable, le début d’une relation amoureuse
entre deux êtres humains est défini comme étant un cas particulier de mouvement
collectif à l’état naissant. Un aspect intéressant de cette thèse, c’est qu’à
peu près tous les adultes ont connu au moins une relation amoureuse dans leur
vie. Quiconque a déjà été amoureux a donc une expérience personnelle à laquelle
se référer pour comprendre ce qui lui arrive, si d’aventure il s’engage dans un
mouvement social émergent.
En
2011, je satisfaisais aux conditions énoncées par Alberoni pour « tomber
amoureux » au sens général de participer à la naissance d’un mouvement
social. J’allais à la rencontre d’étrangers, au propre comme au figuré, en
participant à des rencontres publiques de toutes sortes et en prenant la parole
sur ce blogue. Sans le savoir, j’étais donc disposé à quitter ma
« famille » sociale pour en fonder une nouvelle, avec les ruptures et
les découvertes qui s’ensuivent nécessairement.
En
février 2013, dans un colloque international réunissant des spécialistes des
mouvements sociaux[ii],
je me faisais une idée de l’état des connaissances en la matière. Il semble que
la lignée de la sociologie des mouvements remonte à l’École de Chicago. La
méthode privilégiée pour étudier un groupe social est de faire une étude de
terrain qui consiste généralement à recueillir des entrevues individuelles
menées avec un échantillon de membres du groupe, en nombre suffisant pour en
tirer des données statistiques. Dans le cas des mouvements sociaux, étant donné
le caractère éphémère de leurs manifestations, on essaie d’identifier la cause
commune qui explique le mieux l’apparition du mouvement. Aussi, on s’intéresse
aux actions collectives qui sont employées par ces mouvements pour se faire entendre.
Par exemple, lors du colloque en question, les présentations attribuaient comme
cause commune au mouvement espagnol du 15 mai 2011 et au mouvement
international du 15 octobre 2011 l’opposition aux mesures d’austérité mises en
place suite à la crise de 2008 des subprimes
américains laquelle avait forcé le renflouement d’urgence du système financier
mondial. Les observations étaient intéressantes mais je suis resté sur ma faim
car il me semblait qu’elles n’arrivaient pas à rendre compte de plusieurs faits
sociaux intéressants. Par exemple, les participants d’un mouvement social
produisent une culture commune par le simple fait de vivre des événements en
commun.
Depuis,
d’autres lectures m’ont aidé à donner un sens au phénomène des mouvements
sociaux. Je souligne notamment les œuvres de René Girard et de Norbert Elias,
le premier pour sa perspective sur la violence collective, le second pour la
dynamique des groupes sociaux.
[ii] Street Politics in the Age
of Austerity : From the Indignados to Occupy, ed.
Marcos Ancelovici, Pascale Dufour, Héloïse Nez, ISBN:9789089647634.
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