13 mai 2011
Monsieur Benoît Aubin
Journal de Montréal
Je porte plainte au sujet de deux chroniques de Madame Nathalie Elgrably-Lévy dans lesquelles elle dénigre les artistes. Ces chroniques suscitent des réactions de haine et de mépris, elle perpétuent les préjugés envers les artistes et elles promeuvent les intérêts de l'Institut Économique de Montréal. Votre journal a des responsabilités envers le public, reconnues par l'ensemble des médias, et qui n'ont pas été prises en compte lors de la publication de ces deux chroniques. À l'avenir, veuillez indiquer clairement que Madame Elgrably-Lévy travaille pour l'Institut Économique de Montréal et que ses chroniques sont utilisées à des fins promotionnelles par cet organisme.
Dans sa chronique du 5 mai 2011, intitulée « Non au mécénat public », Mme Elgrably-Lévy défend l'idée que les artistes qui ont besoin des programmes de soutien du gouvernement pour subvenir à leurs besoins ont des talents artistiques sans importance pour la collectivité. De nombreuses personnes ont pris la peine de lui répondre pour dénoncer ses préjugés, mais elle persiste et signe dans sa chronique du 12 mai, intitulée : « L'art de tromper » et termine en suggérant que les programmes d'aide aux artistes sont des cadeaux injustifiés.
Voici un extrait de la troisième édition du document du Conseil de Presse du Québec sur les droits et responsabilités de la presse :
« Les médias et les professionnels de l'information doivent éviter de cultiver ou d'entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d'utiliser, à l'endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. »
Je porte à votre attention les réactions suivantes :
À la suite d'une note d'Alexandre Chartrand, on écrit : « La Poubelle de Montréal engage des incultes », on dit : « …heille chose, parlons-en du beurre quand on sait que les plus fortunés nous rabâchent les oreilles avec, d'un côté, un "à chacun selon son mérite", pendant que de l'autre ils protègent leurs privilèges et leurs acquis en se faisant des faveurs continuellement entre eux!». À la suite d'une note de Jean-Philippe Joubert, on dit : «Quand vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec Nathalie Elgrably (dans son article), vous êtes donc automatiquement en accord avec l'enforcement d'un système qui utilise la menace, la violence et la force pour aller voler sans la permission votre argent, sous peine d'emprisonnement ou de mort. C'est ÇA que vous sanctionnez et que vous approuvez. » Et puis sans donner les références mais à fins d'illustration, j'ai pu voir les artistes qualifiés de «victimes», de «parasites», nos financiers de «petits arrivistes du Québec», madame Elgrably de «pétasse majuscule», de «tête de linotte».
Voici deux autres extraits du document du Conseil de Presse :
« Les médias et les journalistes doivent éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte dans leur traitement de l’information ou de se faire les publicistes ou les promoteurs de quelque cause, produit, activité, événement culturel ou sportif que ce soit. Les médias devraient être particulièrement vigilants en traitant les événements à caractère promotionnel qu’ils commanditent pour éviter toute confusion entre leurs activités commerciales et le traitement impartial de l’information. »
« Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d'exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu'ils emploient, de donner aux événements une signification qu'ils n'ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes. S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. Il importe, par ailleurs, qu'ils rappellent les faits relatifs aux événements, situations et questions qu’ils décident de traiter avant de présenter leurs points de vue, critiques et lectures personnelles de l’actualité, afin que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause quant aux sujets sur lesquels ils se prononcent. »
Madame Elgrably-Lévy est économiste sénior à l'Institut Économique de Montréal et se réclame donc de l'École économique autrichienne. L'institut Économique de Montréal reproduit les textes d'opinion de Madame Elgrably-Lévy sur son site et fait l'inventaire de toutes les mentions de ces textes dans les médias. En tant qu'organisme à but non lucratif, l'IEDM doit annuellement solliciter des dons de la part d'individus, de fondations et de sociétés. Dans son rapport annuel 2010, par exemple, on peut lire que les chercheurs et analystes de l'IEDM ont signé pas moins de 150 textes d'opinion dans les journaux et sur le Web. Je cite le président et directeur général de l'Institut, monsieur Michel Kelly-Gagnon :
« Réussir à générer une telle couverture médiatique annuelle pour un laboratoire d’idées (ou think tank) implique non seulement de bien publiciser chacune de nos publications, mais également de commenter le plus souvent possible des sujets d’actualité, de participer à des débats, etc. Il reste que certains projets nous rendent particulièrement fiers en raison de l’impact qu’ils ont produit. »
Ma plainte ne porte en aucun cas sur le mérite des points de vue défendus par l'Institut Économique de Montréal, ni sur les prises de position de madame Elgrably-Lévy. Cependant, votre journal ne devrait pas participer à la promotion d'un organisme, même indirectement, tout en laissant croire qu'il présente une chronique d'opinion dénuée de motivations commerciales cachées. C'est d'autant plus troublant que les cibles dans le cas de ces deux chroniques sont les artistes, des individus importants.
Veuillez agréez, Monsieur Aubin, mes sentiments les meilleurs,
François Genest
Je vois un lien entre le mépris dans les textes des chroniqueurs des médias commerciaux et les préjugés auxquels on est confrontés dans la vie de tous les jours. Je peux me tromper, mais c'est comme ça que je comprends le climat social actuel.
RépondreSupprimerhttp://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2012/10/10/004-matricule-728-spvm-arrestation.shtml
Texte bien documenté et action citoyenne très pertinente. On voit en effet, avec les évènements récents au sujet de la policière 748 comment des préjugés sur les carrés rouges perfusés quotidiennement par Charest et les transmetteurs médiatiques au printemps dernier sont entrés dans certains esprits qui répandent eux-mêmes, par leur actes, la violence et l'intimidation. Par contre cette fois-ci, les médias semblent assumer leur responsabilité et couvrir correctement cette affaire, mais il y a toujours un risque de dérape. Restons vigilant.e.s!
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