lundi 11 novembre 2013

La Justice canadienne est-elle désuète?

Ces jours-ci, on entend le premier ministre du Canada s'en prendre aux cours de justice comme si celles-ci entravaient le travail de l'exécutif :

“We were blocked by the other parties in the minority parliaments, and now we are being blocked in the courts” (source).

Il est difficile de savoir ce que pense réellement l'Honorable Premier Ministre Stephen Harper. Notez bien qu'en parlant d'honneur pour désigner cet homme très influent, je m'applique à respecter les usages du système parlementaire canadien : ça n'indique pas de jugement moral de ma part.

Bien honnêtement, je ne sais pas pourquoi monsieur Harper fait ce qu'il fait. Je pose l'hypothèse qu'il pense que c'est de bonne guerre d'employer tous les moyens qui ne sont pas explicitement interdits pour obtenir et conserver le contrôle de l'exécutif. Sur la base de cette hypothèse, plusieurs questions se présentent :

Lorsqu'on emploie l'analogie de : «bonne guerre», de quelle guerre s'agit-il? Qui sont les protagonistes du conflit? Et quelle est la victoire recherchée?

Selon le Larousse,

(C'est) de bonne guerre, se dit d'un comportement habile et rusé, qui répond à une attaque, une critique, une concurrence et qu'on considère comme légitime (source).

La question  pratique serait donc de savoir ce qui est considéré comme légitime. La question de fond, et la plus intéressante selon moi, serait de savoir ce qu'on entend par la légitimité. Une chose est dite « légitime » si elle est fondé en droit (source). J'en arrive donc à vouloir savoir ce qu'on entend par le «droit». Voici ce qu'en dit le CNRTL :


Étymol. et Hist. A. Gén. au sing., employé absol. 1. 842 « ce qui est moral et juste, l'ensemble des principes moraux et de justice qui sont censés régir les relations entre les hommes » (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathiet. 1, 6); 2. a) 1155 « lois et coutumes d'un peuple, législation » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 5238); b) début xiiies. « règlement ou principe particulier » ici droit del geu (R. de Houdenc, Vengeance Raguidel, éd. M. Friedwagner, 5768);c) fin xiiies. « science des lois » (R. Lulle, Doctrine d'enfant, éd. A. Llinarès, § 76). B. Au sing. et au plur. 1. ca 1100 « ce qui est permis ou exigible selon les principes d'une morale » (Roland, éd. J. Bédier, 3290); 2. ca 1100 « ce qui est permis ou exigible selon la législation ou des règlements officiels » ici spéc. avoir dreit (en) « avoir des droits (sur) » (Roland, 2747); 3. a) 1160-74 « ce qui est dû selon un règlement, une loi, un traité; redevance » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 3770); b) ca 1455 « revenu, salaire pour quelque chose » (Archives du Nord, B 3537, no125792 dsIGLF). Du b. lat. directum, substantivation de l'adj. directus (droit2, droite*), attesté au vies. au sens général de « justice, application des principes du droit » (Édit de Chilpéric ds Nierm.), puis au viiies. au sens de « règles du droit, ensemble des lois » (Concil. Vern., ibid.) et de « droit officiel sur quelque chose (cf. B 2 supra) » (D. Karolin., ibid.),cf. aussi au vies. verbum directum « la parole juste, le bon droit » (Grégoire de Tours, ibid.). (source)


En dépeignant la Cour comme un adversaire de l'exécutif, monsieur Harper s'engage dans une critique radicale des fondements du système politique actuel. Par le fait même, et suivant la signification de la légitimité, mon hypothèse m'amène à conclure que monsieur Harper croit que les lois et coutumes en usage au Canada sont en opposition avec ce qui est moral et juste.

Mon hypothèse se vérifie-t-elle? Plusieurs décisions de monsieur Harper sont en accord avec elle : les prorogations à répétition, le contrôle de l'information, l'encadrement des journalistes. Pour en avoir le cœur net, il me faudrait avoir accès à ce que pense réellement monsieur Harper, ce qui n'est certainement pas envisageable si j'ai raison à son sujet.

Puisque l'exécutif a une énorme influence sur toutes les questions d'intérêt pour le Canada et ses habitants, il serait, à mon avis, juste et moral que toute intention de changer les lois et coutumes soit explicite, de même que les raisonnements qui amènent à cette intention. Sans cela, les institutions démocratiques sont effectivement tombées en désuétude et le Canada actuel est quelque chose de complètement nouveau et inconnu.

Références:

«Prime Minister Stephen Harper calls courts enemy of Senate reform», Tonda MacCharles, The Star.

Dictionnaire Larousse, expression : «de bonne guerre».

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, le mot «droit».

mercredi 30 octobre 2013

Ad libitum

Je ressens de nouveau l'envie d'écrire. C'est bien! Pour ma dernière publication (ici), je m'étais consciemment retenu de commenter les photos. Je voulais raconter une histoire non dirigée par la langue. Pour moi, ce récit photographique témoigne d'un amour que je n'aurais pas pu montrer par l'entremise d'un court texte. Ne dit-on pas qu'une image vaut mille mots?

Las Meninas, Vélasquez (1656), Musée Prado à Madrid

Je reviens d'un voyage au cours duquel j'ai visité plusieurs cités. Des cités non pas virtuelles mais bien enracinées dans une terre européenne. J'ai baigné dans l'urbanisme, l'histoire, l'architecture et l'art de ces villes. J'ai marché à travers leurs foules, goûté leurs cuisines. J'ai senti dans mon corps une réalité à laquelle correspond l'adjectif «humain», reconnaissable de pays en pays et de siècle en siècle.

Pendant mes pérégrinations, j'ai joué avec l'idée de narration. Suivent quelques impressions, livrées de façon automatiste. Van Gogh utilisait une peinture mauve qui devient bleu délavé avec le temps. Il rêvait d'une communauté d'artistes et vécut, brièvement, avec Gauguin. Les peintres flamands ont innové dans la représentation de la réalité. Picasso a réussi à rejoindre Vélasquez malgré les 300 ans qui les séparent, grâce à leurs Ménines respectives : Las Meninas de 1656 et Las Meninas de 1957 (dans ce catalogue). Gaudi a joué avec la matière de façon poétique et grandiose. Le collectif Hackney Flashers (1974-1980) s'est servi de collages alliant photographies, textes et illustrations pour explorer l'impact de l'absence de crèches sur la vie des femmes (ici). L'Albanie a une coutume des «vierges sous serment» permettant aux femmes de vivre comme des hommes (appris au Mucem de Marseille, article à ce sujet).

Je me suis surpris à avoir un moment d'agacement dans mon article de juin : «Bonne Saint-Jean, Lise Payette!» J'y écris que je suis «non-lu» sur ce blogue. Ce n'est pas dans mon habitude. En y repensant, je crois que je commence à avoir envie d'expliquer ce que je suis en train de faire ici et que c'est cette envie d'être compris qui s'est exprimée.

À vrai dire, je me suis engagé dans le projet «Cité d'Athéna» sans trop savoir ce qui allait en résulter. J'avais envie d'avoir un espace où je pourrais m'exprimer en toute liberté, sans autres contraintes que celles inhérentes au médium. Je voulais me concentrer sur le contenu, avec peu de travail à faire sur l'aspect visuel. Au départ, j'ai pris le nom «Asclépios». C'est à ce dieu de la médecine que Socrate voulu, le jour de son exécution, qu'on sacrifie un coq. Puis, avec le temps, j'ai décidé de présenter ce blogue en mon propre nom, par soucis de clarté. Si je me souviens bien, je présentais ce blogue comme une expérience théâtrale, inspirée du bouddhisme tibétain, de la philosophie de Platon et du théâtre de Jean-Pierre Ronfard. Par bouddhisme, je voulais dire que cette expérience s'inscrivait dans la pratique du don. De là, ma volonté d'écrire avec franchise, sans commanditaires et sans chercher à plaire à un public précis. De Platon, je retenais l'humanité de ses personnages, sans oublier l'intention de communiquer un amour de la sagesse. Peut-être par bravade, j'ai annoncé certaines publications dans le canal #polQc, invitant de ce fait une élévation de la pensée philosophique chez nos politiciens. Et, comme Jean-Pierre Ronfard, je voulais jouer avec les formes, que ce soit le théâtre ou d'autres médiums, pour dévoiler les rouages d'une transcendance collective.


J'aime bien la Cité d'Athéna. Y écrire, c'est un peu comme revenir chez moi.

lundi 23 septembre 2013

Indignations : un récit photographique

Un de mes sujets de réflexion récurrents est la nature du « récit ». La construction de récits est-elle essentielle pour comprendre le réel? Un choix de photos peut-il communiquer une compréhension individuelle de la réalité d'une histoire partagée? C'est ce que je tente de faire d'aujourd'hui avec la sélection suivante de photographies que j'ai prises lors d'événements auxquels j'ai participé en 2012 et 2013.
























La fin? Non.

vendredi 20 septembre 2013

15, rue de la Dignité

Article écrit par François Genest le 2 août 2013 et publié dans la Cité d'Athéna le 20 septembre 2013. Reproduction du texte autorisée. Permission requise pour les photos [à venir, peut-être].

L’automne prochain verra le deuxième anniversaire du mouvement du 15 octobre. On se souviendra qu’en 2011, dans la foulée des soulèvements populaires des pays arabes et inspirées par les rassemblements autogérés des Indignados espagnols, des milliers de personnes ont choisi de montrer leur solidarité avec un campement établi à Zuchotti Park — une action directe et non violente dont les participants avaient maille à partir avec les autorités — en formant elles-mêmes des occupations à travers le monde.  Le campement autogéré de New York, établi le 17 septembre 2011, reçut le surnom «Occupy Wall Street» de la publicité éponyme du magazine Adbusters. Le mouvement du 15 octobre donna naissance à une multitude d’occupations d’espaces publics, chacune reprenant le nom «Occupy» suivi du nom de la ville où se situait l’action.

Le 15 octobre 2011, je me rappelle m’être rendu sur le site du campement «Occupons Montréal», plutôt sceptique quant à l’efficacité de ce moyen d’action. C’est au cours de la première assemblée générale que le square Victoria fut rebaptisé : «Place du peuple». J’ai d’abord cru qu’il y avait des organisateurs ayant un plan d’action bien défini, mais non divulgué. Puis, voyant que les occupants tenaient bon après plusieurs jours, je me suis impliqué dans un comité, histoire de voir si je pouvais apporter mon aide autrement qu’en faisant un don. Très rapidement, je me suis rendu compte qu’il n’y avait à peu près rien de planifié et que ceux qui faisaient des choses  bien visibles comme de nourrir les gens et d’animer des assemblées — et donc susceptibles d’être des meneurs inavoués — apprenaient ce qu’ils faisaient au fur et à mesure, tout en le faisant.

Tel qu’affiché, il s’agissait bel et bien d’un «territoire autogéré», au vu et au su de tous les passants du quartier des affaires. Pour leurs idées, les occupants s’inspiraient des connaissances partagées — celles-ci en assemblée formelle,  celles-là en s’activant ou dans un moment de détente — et des expériences vécues en commun face à l’adversité.

C’est donc en m’impliquant que je suis devenu un observateur critique du mouvement, comme tant d’autres participants — tous, peut-être. Plusieurs ont constaté que les campements connaissaient des problèmes semblables à ceux de Zuchotti Park, selon une progression en accord avec l’âge des occupations.

Il est clair pour moi que l’histoire du mouvement Occupy est riche en enseignements sur l’auto-organisation sociale.

Cette histoire est-elle terminée? Ça dépend à qui vous posez la question. Si vous avez observé le mouvement de loin, vous l’avez vu disparaître en même temps que ses manifestations visibles. Toutefois, pour peu qu’on pose la question à celles et à ceux qui sont passés par les campements, il existe une multiplicité de perceptions quant à la teneur des événements depuis le 15 octobre 2011.

Une question plus intéressante, maintes fois posée dans les discussions du mouvement, est la suivante : «Qu’est-ce qui vient après l’indignation?» Lorsque les Indignés sont rassemblés autour d’une vision commune sur les causes des problèmes économiques, politiques et environnementaux, comment peuvent-ils y remédier? Des centaines de personnes sont venues aux assemblées proposer des solutions, chacune attendant patiemment son tour pour les offrir au mouvement. Si rien de spectaculaire n’en est  issu, je me rends compte aujourd’hui que cette générosité en soi est déjà une réponse.

Je ne pourrai pas être à la place du Peuple le 15 octobre prochain — je serai occupé ailleurs — mais ce n’est que partie remise : je reste profondément attaché aux autres participants du mouvement. Pour moi, l’histoire se poursuit dans de petites actions concrètes, au fil des rencontres avec les autres promeneurs qui arpentent, comme nous, la rue de la Dignité.

vendredi 21 juin 2013

Bonne St-Jean, Lise Payette!

Chère Madame Lise Payette,

Je situe mon entrée en politique active, en date du 14 février 2011, à l'occasion d'une marche commémorative pour les femmes autochtones disparues et assassinées. Un peu auparavant, je m'étais rendu à un atelier du groupe Missing Justice et j'avais été touché par les témoignages des femmes autochtones qui y avait pris la parole. Après la marche du 14 février, j'ai écrit un court texte avec photos que j'ai affiché sur un site web rudimentaire qui m'appartenait.

Je me suis rapidement lassé de coder mon site à la main et j'ai jeté mon dévolu sur ce site-ci, de façon à pouvoir me concentrer sur le contenu. Au cours de ces deux années, je me suis donné entière liberté dans mes choix de sujets et dans la façon de les traiter. J'écris dans le confort de ma Cité imaginaire à propos de choses bien réelles, pour le bénéfice de mes concitoyens. Qui sont-ils? Parfois, je suis seul dans ma Cité. D'autres fois, il s'agit de la Terre entière. Le temps semble absent lorsque je m'assoie à mon pupitre pour écrire un billet. La Cité d'Athéna est sûrement intemporelle.

Dans ce billet, vous habitez mes pensées.

J'ai aimé vous entendre à l'émission de radio matinale de René Homier-Roy. Ces entretiens me manqueront, puisque ce dernier quitte cette plage horaire pour aller — qui sait? — sur une plage de sable fin.

Je vous lis avec bonheur dans Le Devoir, comme ce matin à l'occasion de la fête nationale de la St-Jean-Baptiste. J'ai envie de vous répondre ici, plus longuement que dans un commentaire non-lu d'une page du Devoir. Ici, au moins, je serai non-lu dans un espace où je me sens chez moi.

J'ai envie de vous dire que cette jeunesse belle et courageuse dont vous parlez n'est pas seule. Ils sont bien « les héritiez du rêve des bâtisseurs de nations, nos ancêtres », mais ce rêve s'est transfiguré au contact des rêves des autres peuples : les Anglais, les Irlandais, les Italiens, les Portugais, les Haïtiens, les Français, les Libanais, les Chinois, les Algériens, et bien d'autres peuples allochtones de la Grande Tortue, sans oublier — surtout — les peuples des Nations autochtones.


Les manifestations de l'an dernier ont percé le plafond de verre des médias, mais, comme la Cité d'Athéna en témoigne, il existe un monde et une vitalité hors du commun dans les espaces publics, même quand les journalistes n'y sont pas. Voici quelques photos d'événements récents, pour vous en donner un goût.

Ces photos ont été prises lors du premier anniversaire de l'Assemblée populaire et autonome de Villeray, le 9 juin 2013 :






Au Parc Émilie-Gamelin, lors du lancement de la saison estivale du Cinéma sous les étoiles, le 18 juin 2013 :




À la Place Jacques-Cartier, au point de départ de la marche organisée par Idle No More Québec, le 21 juin 2013, la journée Canadienne des autochtones :




À la Place du Canada, à l'arrivée de la même marche, pour vous :




Pour les autochtones, les grands-mères sont détentrices d'autorité et protègent la Terre-Mère. C'est dans cet esprit que je vous adresse ce titre.

Je vois des choses étonnantes dans les espaces publics occupés par les citoyens. Aujourd'hui, j'en ai vu une que je vous raconterai, mais une autre fois.

Je vous souhaite une très bonne St-Jean, Madame Lise Payette!


François Genest

mercredi 1 mai 2013

Le premier chef


C'est aujourd'hui le 1er mai, la journée symbolique de l'émancipation des travailleurs salariés et du début de leur participation active à l'organisation politique de la société civile de notre époque. Le vocabulaire normalement utilisé pour parler de cette émancipation est tiré des essais de penseurs comme Karl Marx, Mikhaïl Bakounine, Hannah Arendt,  Simone Weil. Je souligne qu'en tant que journaliste de la Cité d'Athéna, je ne me sens pas tenu de respecter cette norme. ;)

Le club privé 357C
Les gens de mon âge ont vécu la guerre froide et se souviennent de la diabolisation du communisme; une diabolisation qui a eu pour effet de circonscrire le monde «libre» dans l'imaginaire collectif de l'Occident et de préserver la cohésion sociale au sein de cet ensemble. Je suis trop jeune pour avoir connu la peur engendrée par des anarchistes poseurs de bombes, une peur qui a entraîné la création du FBI aux États-Unis. Je suis trop jeune aussi pour avoir connu la peur causée en 1970 par des séparatistes québécois poseurs de bombes, une peur qui a eu comme effet la création d'un parti politique indépendantiste.

Aujourd'hui, c'est la peur du terrorisme maison qui domine la scène politique mondiale. En partie, seulement. Car, soustrait au travail des médias d'information, dans les médias alternatifs et sociaux, on peut voir en filigrane une nouvelle forme de socialisation en rupture avec le modèle immémorial de la diabolisation de la dissidence.

Je donne en exemple le mouvement des Femen[1], qui jouent avec le pouvoir des médias d'information en tirant avantage du fait que les normes sociales sont établies essentiellement par les hommes. En faisant des actions directes la poitrine nue, ces femmes réussissent à attirer l'attention sur des sujets comme le statut de la femme dans le monde, la domination des idées formulées par les hommes, la superficialité des médias d'information; tous des sujets qui sont habituellement relégués aux publications spécialisées.

Comme autre exemple, à Montréal, la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC), a annoncé ce matin en conférence de presse qu'elle organise une marche qui partira à 18h de l'hôtel de ville de Montréal et se terminera au club privé 357C, rendu tristement célèbre à la Commission Charbonneau[2]. Dans son communiqué, la CLAC inscrit cette action dans la «tradition de résistance populaire que symbolise le 1er mai depuis plus de 125 ans».


Le trajet de la manifestation n'a pas été divulgué aux policiers, en contravention avec le règlement municipal P-6, un règlement anti-manifestation controversé qui a été plusieurs fois contesté devant les tribunaux depuis son introduction en 1969. On se rappellera qu'un parti d'opposition avait demandé son abrogation lors du conseil municipal du 22 avril dernier, ce qui a permis de faire un débat de fond dans cette assemblée, sans toutefois produire de consensus[3].

Selon un des porte-paroles de la CLAC pour cette conférence de presse, des dispositions ont été prises pour accompagner dans leurs procédures judiciaires les manifestants qui seront vraisemblablement arrêtés ce soir.

Lors d'autres actions semblables ayant donné lieu à des arrestations massives, plusieurs manifestants ont témoigné de leur gratitude envers les militants qui les attendaient à la sortie du processus d'arrestation et d'identification pour leur offrir chaleur et nourriture.

La CLAC, comme les Femen, offre une vision subversive de l'action politique. En provocant des réactions, ces réseaux d'hommes et de femmes avec un mode de fonctionnement libertaire mettent en évidence l'automatisme des systèmes de répression et de contrôle de l'information présents dans nos sociétés contemporaines.

Si les mouvements sociaux actuels n'ont pas de chefs identifiables, nous sommes peut-être collectivement murs pour porter un regard critique sur l'œuvre de René Girard concernant l'origine des institutions humaines et en tirer des leçons pour l'avenir. Ceci méritera, bien sûr, un plus long développement.  À suivre.



[1] Lire cet excellent article de présentation du mouvement par Jean-François Mauger.
[3] Même amendée pour limiter l'abrogation aux derniers ajouts à P-6 (les plus contestés par la population), l'assemblée est restée très divisée. Voir les résultats.

mercredi 24 avril 2013

Les communications des mouvements sociaux


Je viens de lire une série de trois articles sur le sujet des communications des forces policières. Bravo à Renaud Poirier-Saint-Pierre! Il s'agit d'une contribution de grande qualité pour le débat public sur une question d'actualité.

Dans le troisième article de la série, ce qui a retenu mon attention, c'est la suggestion que lorsqu'un corps social emploie une stratégie de communications qui comporte des failles évidentes, les personnes qui critiquent les actions de ce corps social devraient se doter d'un plan de communication qui exploite ces failles :



En pratique, les organisations porte-étendards des luttes contre la brutalité policière devraient se doter d’un plan de communication afin de contrecarrer celui des policiers. Le simple fait d’organiser et prévoir ces communications peut grandement aider à contrecarrer la stratégie de relations publiques des policiers.

Pour avoir participé à quelques mouvements sociaux,  je peux ajouter une critique constructive à cette suggestion. Les mouvements marginaux ou émergents n'ont ni le temps, ni l'expertise pour se doter d'un plan de communications dans les moments où ces collectivités sont les plus actives. Lorsque ces mouvements sont prêts à se doter d'une équipe stable et compétente de relations publiques, ils ne sont déjà plus dans leur période de pleine mobilisation. Il semble que la conception généralement admise d'un plan de communications soit incompatible avec les rassemblements de personnes qui existent avant l'apparition de structures collectives.

Pour les chercheurs intéressés à se pencher sur la relation entre communications et mouvements sociaux, un bon exemple de départ serait certainement l'appel lancé par Adbusters en 2011 et qui a entraîné l'apparition du mouvement Occupons. Cette communication initiale a été d'une efficacité extraordinaire, mais ce mouvement n'a plus réussi par la suite à utiliser aussi bien les moyens employées par les boîtes de communications.

Références:



dimanche 21 avril 2013

Marche pour la Terre 2013


À mon arrivée au point de rassemblement, je tombe sur des gens costumés, dont un qui porte un toutou panda.



Je croque un portrait de cette une maman alors qu'elle fait  un «high 5» à un renard.



Une icône des manifestations de 2012 qui personnifie de façon ludique l'expression : «république de bananes».



J'arrive au lieu de rassemblement proprement dit.



Tout près, je tombe sur une action directe de distribution de bombes de semences. J'en ai récupéré une que je planterai «une fois au chalet».


Ensuite, j'entends la Chorale du peuple. Je prends une photo d'ensemble et puis une photo d'Alain Mignault.



Quelques jongleurs se sont donné rendez-vous pour l'occasion.


Je me rapproche de la rue Sainte-Catherine. En chemin, je prends un cliché d'une petite fille avec un drapeau rouge.


Puis je prends en photos les nombreuses pancartes et bannières qui sont rassemblées au coin de Jeanne-Mance et Sainte-Catherine.


Il y avait de jolies éoliennes colorées. Quelle belle journée pour les photos!


Je prends deux clichés pour montrer la foule : un premier orienté dans le sens de la rue Sainte-Catherine et le second dans le sens de Jeanne-Mance.



Voici un squelette d'ours polaire sur un chariot, courtoisie de plusieurs groupes écologistes.


Je prends quelques dernières photos avant le départ de la marche.


En plus des personnes en costumes d'animaux, j'ai vu plusieurs personnes déguisées ou masquées. Suite à un appel sur les réseaux sociaux, des gens se sont fabriqués des masques de pandas, en appui à Anarchopanda et pour dénoncer le Règlement P-6 de la Ville de Montréal qui interdit de se cacher le visage dans les manifestations. Peut-être est-ce le cas de ces marcheurs? En tout cas, les pandas étant une espèce menacée, ces masques sont de circonstance dans une marche pour la Terre.



De l'avis de beaucoup de gens, nous devrions nous pencher sur le problème de la croissance. Bien qu'elle fasse tourner l'économie à court terme, une croissance soutenue va éventuellement laisser une planète en ruines. 


Le masque de Guy Fawkes, tel qu'on le voit dans le film «V pour Vendetta» a été adopté par le mouvement décentralisé Anonymous. On a vu également beaucoup de gens le porter pendant les occupations de 2011-2012 et pendant les manifestations du Printemps érable.


Cette manifestante masquée porte une tête de panda sur laquelle est écrit : «Anarchiste. Fuck P6». Une motion d'abrogation du règlement P-6 sera débattue demain le 22 avril au conseil municipal. J'espère bien que cette motion sera adoptée. 



Nous sommes maintenant sur le boulevard René-Lévesque en direction Ouest. Cette bannière rappelle la lutte de 2010 contre la fracturation hydrolique dans la vallée du Saint-Laurent. Une lutte qui a réussi à faire plier le gouvernement.



Voici un personnage associé à la lutte pour la préservation des forêts. Je l'avais déjà vu lors de mon reportage «On coupe des arbres sur le Mont Royal» et à l'extérieur d'une audience au Palais de Justice qui a permis de maintenir une injonction de la compagnie forestière PF Resolut contre ceux qui pourraient  avoir  l'intention d'entraver les coupes dans la réserve faunique du Parc de la Vérendrye.


Encore quelques pancartes et bannières.


L'arrivée de la courte marche était à la Place du Canada. Les organisateurs occupaient le parc au sud du boulevard René-Lévesque. Pour plusieurs manifestants, la Marche pour la Terre ne s'inscrit pas dans une critique assez radicale du système politique et économique actuel. Selon ce point de vue, collaborer avec les grandes entreprises, qu'elles soient elles-mêmes polluantes ou qu'elles entretiennent une économie qui permet la destruction de l'environnement, est une compromission inacceptable. Beaucoup de ces manifestants se sont rassemblés au nord de René-Lévesque pour faire valoir ce point de vue. Dans ce cliché, on peut voir un beau dragon anarchiste.


Deux automobilistes ont été temporairement bloqués sur René-Lévesque, ce qui a provoqué l'intervention d'une personne affectée à la sécurité et de quelques policiers à vélo pour ouvrir le chemin, sans qu'il y ait eu de réel danger.


D'autres pancartes et bannières au sud de René-Lévesque.


Les policiers à vélo sont restés un moment sur René-Lévesque. La circulation a été détournée et éventuellement, le côté nord s'est de nouveau rempli.


Un groupe de danse et percussions.


J'ai pris un bon moment pour prendre cette prochaine photo en raison du contraste. Beau message.


Cette jeune femme ramassait les déchets qui traînaient. Ça m'a fait penser à Jacques Messier, qui a tant fait de sensibilisation en ce sens pendant l'occupation du square Victoria.


Ce groupe fait de la sensibilisation au sujet du traitement que les êtres humains réservent aux animaux.


Le drapeau vert et noir de l'anarcho-primitivisme.


Une bannière critique du discours omniprésent dans les médias sur les supposés «casseurs».



Du côté est du parc, on s'assoit sur le gazon...


...ou sur les voitures.


Non visible sur la photo, une Terre miniature a été mise en tombe dans cette pyramide.



La scène pour les prises de parole à la fin de la marche.


Des gens de Val-Jalbert sont venus se manifester sous la forme de fantômes pour dénoncer le projet de centrale hydroélectrique sur la chute Ouiatchouan et aussi l'injonction qui les a obligés à fermer leur site valjalbert.ca. Pour plus d'informations sur ce groupe, visiter www.sosvaljalbert.com



D'autres banderoles et pancartes.


Un autre groupe de percussions.




Un policier interrompt un journaliste pour lui demander de dégager la voie.


Ma batterie est tombée à plat à ce moment-là. Les policiers se sont faits entendre avec leurs porte-voix de voiture, ce qui rend difficile la compréhension de ce qui est dit. Pendant un dizaine de minutes, il n'était pas clair s'il y aurait une intervention. Je me suis joint à la Chorale du peuple et nous avons chanté dans la partie au nord de René-Lévesque. Un contingent de manifestant a commencé une marche spontanée qui a tourné sur Sainte-Catherine Est. La Chorale a emprunté le même chemin mais a perdu la marche de vue. Nous avons décidé de chanter en marchant le long de Sainte-Catherine. Nous nous sommes arrêtés au square Phillips pour chanter encore quelques chansons avant de rentrer chacun chez soi.

Rendez-vous demain à l'Hôtel de Ville pour obtenir l'abrogation du Règlement P-6.