C'est
aujourd'hui le 1er mai, la journée symbolique de l'émancipation des
travailleurs salariés et du début de leur participation active à l'organisation
politique de la société civile de notre époque. Le vocabulaire normalement utilisé
pour parler de cette émancipation est tiré des essais de penseurs comme Karl
Marx, Mikhaïl Bakounine, Hannah Arendt, Simone
Weil. Je souligne qu'en tant que journaliste de la Cité d'Athéna, je ne me sens
pas tenu de respecter cette norme. ;)
Le club privé 357C |
Les
gens de mon âge ont vécu la guerre froide et se souviennent de la diabolisation
du communisme; une diabolisation qui a eu pour effet de circonscrire le monde «libre»
dans l'imaginaire collectif de l'Occident et de préserver la cohésion sociale
au sein de cet ensemble. Je suis trop jeune pour avoir connu la peur engendrée
par des anarchistes poseurs de bombes, une peur qui a entraîné la création du
FBI aux États-Unis. Je suis trop jeune aussi pour avoir connu la peur causée en
1970 par des séparatistes québécois poseurs de bombes, une peur qui a eu comme effet
la création d'un parti politique indépendantiste.
Aujourd'hui,
c'est la peur du terrorisme maison qui domine la scène politique mondiale. En
partie, seulement. Car, soustrait au travail des médias d'information, dans les
médias alternatifs et sociaux, on peut voir en filigrane une nouvelle forme de
socialisation en rupture avec le modèle immémorial de la diabolisation de la
dissidence.
Je
donne en exemple le mouvement des Femen[1],
qui jouent avec le pouvoir des médias d'information en tirant avantage du fait
que les normes sociales sont établies essentiellement par les hommes. En
faisant des actions directes la poitrine nue, ces femmes réussissent à attirer
l'attention sur des sujets comme le statut de la femme dans le monde, la domination
des idées formulées par les hommes, la superficialité des médias d'information;
tous des sujets qui sont habituellement relégués aux publications spécialisées.
Comme
autre exemple, à Montréal, la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC), a
annoncé ce matin en conférence de presse qu'elle organise une marche qui
partira à 18h de l'hôtel de ville de Montréal et se terminera au club privé
357C, rendu tristement célèbre à la Commission Charbonneau[2].
Dans son communiqué, la CLAC inscrit cette action dans la «tradition de
résistance populaire que symbolise le 1er mai depuis plus de 125 ans».
Le
trajet de la manifestation n'a pas été divulgué aux policiers, en contravention
avec le règlement municipal P-6, un règlement anti-manifestation controversé qui
a été plusieurs fois contesté devant les tribunaux depuis son introduction en 1969.
On se rappellera qu'un parti d'opposition avait demandé son abrogation lors du
conseil municipal du 22 avril dernier, ce qui a permis de faire un débat de
fond dans cette assemblée, sans toutefois produire de consensus[3].
Selon
un des porte-paroles de la CLAC pour cette conférence de presse, des
dispositions ont été prises pour accompagner dans leurs procédures judiciaires les
manifestants qui seront vraisemblablement arrêtés ce soir.
Lors
d'autres actions semblables ayant donné lieu à des arrestations massives,
plusieurs manifestants ont témoigné de leur gratitude envers les militants qui
les attendaient à la sortie du processus d'arrestation et d'identification pour
leur offrir chaleur et nourriture.
La
CLAC, comme les Femen, offre une vision subversive de l'action politique. En
provocant des réactions, ces réseaux d'hommes et de femmes avec un mode de
fonctionnement libertaire mettent en évidence l'automatisme des systèmes de répression
et de contrôle de l'information présents dans nos sociétés contemporaines.
Si
les mouvements sociaux actuels n'ont pas de chefs identifiables, nous sommes
peut-être collectivement murs pour porter un regard critique sur l'œuvre de
René Girard concernant l'origine des institutions humaines et en tirer des
leçons pour l'avenir. Ceci méritera, bien sûr, un plus long développement. À suivre.
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