Ces
jours-ci, on entend le premier ministre du Canada s'en prendre aux cours de
justice comme si celles-ci entravaient le travail de l'exécutif :
“We were blocked by the other
parties in the minority parliaments, and now we are being blocked in the courts”
(source).
Il
est difficile de savoir ce que pense réellement l'Honorable Premier Ministre
Stephen Harper. Notez bien qu'en parlant d'honneur pour désigner cet homme très
influent, je m'applique à respecter les usages du système parlementaire canadien
: ça n'indique pas de jugement moral de ma part.
Bien
honnêtement, je ne sais pas pourquoi monsieur Harper fait ce qu'il fait. Je pose
l'hypothèse qu'il pense que c'est de bonne guerre d'employer tous les moyens qui
ne sont pas explicitement interdits pour obtenir et conserver le contrôle de
l'exécutif. Sur la base de cette hypothèse, plusieurs questions se présentent :
Lorsqu'on
emploie l'analogie de : «bonne guerre», de quelle guerre s'agit-il? Qui sont
les protagonistes du conflit? Et quelle est la victoire recherchée?
Selon
le Larousse,
(C'est)
de bonne guerre, se dit d'un comportement habile et rusé, qui répond à une
attaque, une critique, une concurrence et qu'on considère comme légitime (source).
La
question pratique serait donc de savoir
ce qui est considéré comme légitime. La question de fond, et la plus
intéressante selon moi, serait de savoir ce qu'on entend par la légitimité. Une
chose est dite « légitime » si elle est fondé en droit (source). J'en arrive
donc à vouloir savoir ce qu'on entend par le «droit». Voici ce qu'en dit le
CNRTL :
Étymol. et Hist. A. Gén. au
sing., employé absol. 1. 842
« ce qui est moral et juste, l'ensemble des principes moraux et de justice qui
sont censés régir les relations entre les hommes » (Serments de
Strasbourg ds Henry Chrestomathiet. 1, 6); 2. a) 1155
« lois et coutumes d'un peuple, législation » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 5238); b) début xiiies. « règlement ou
principe particulier » ici droit del geu (R. de Houdenc, Vengeance
Raguidel, éd.
M. Friedwagner, 5768);c) fin xiiies. « science des
lois » (R. Lulle, Doctrine d'enfant, éd. A. Llinarès, § 76). B. Au sing. et au plur. 1. ca 1100 « ce qui est permis ou exigible
selon les principes d'une morale » (Roland, éd. J. Bédier, 3290); 2. ca 1100 « ce qui est permis ou exigible
selon la législation ou des règlements officiels » ici spéc. avoir dreit (en) « avoir des droits (sur) » (Roland, 2747); 3. a) 1160-74 « ce qui est dû selon un
règlement, une loi, un traité; redevance » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 3770); b) ca 1455 « revenu, salaire pour quelque
chose » (Archives du Nord, B 3537, no125792 dsIGLF). Du b. lat. directum, substantivation
de l'adj. directus (droit2, droite*), attesté au vies. au sens général
de « justice, application des principes du droit » (Édit de Chilpéric ds Nierm.), puis au viiies. au sens de «
règles du droit, ensemble des lois » (Concil. Vern., ibid.) et de « droit officiel sur quelque chose (cf. B
2 supra) » (D. Karolin., ibid.),cf. aussi
au vies. verbum directum « la parole juste, le bon droit »
(Grégoire de Tours, ibid.). (source)
En
dépeignant la Cour comme un adversaire de l'exécutif, monsieur Harper s'engage
dans une critique radicale des fondements du système politique actuel. Par le
fait même, et suivant la signification de la légitimité, mon hypothèse m'amène
à conclure que monsieur Harper croit que les lois et coutumes en usage au Canada sont
en opposition avec ce qui est moral et juste.
Mon
hypothèse se vérifie-t-elle? Plusieurs décisions de monsieur Harper sont en
accord avec elle : les prorogations à répétition, le contrôle de l'information,
l'encadrement des journalistes. Pour en avoir le cœur net, il me faudrait avoir
accès à ce que pense réellement monsieur Harper, ce qui n'est certainement pas
envisageable si j'ai raison à son sujet.
Puisque
l'exécutif a une énorme influence sur toutes les questions d'intérêt pour le
Canada et ses habitants, il serait, à mon avis, juste et moral que toute
intention de changer les lois et coutumes soit explicite, de même que les
raisonnements qui amènent à cette intention. Sans cela, les institutions
démocratiques sont effectivement tombées en désuétude et le Canada actuel est quelque
chose de complètement nouveau et inconnu.
Références:
«Prime
Minister Stephen Harper calls courts enemy of Senate reform», Tonda MacCharles,
The Star.
Dictionnaire
Larousse, expression : «de bonne guerre».
Centre
National de Ressources Textuelles et Lexicales, le mot «droit».
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