mercredi 13 juillet 2016

Pensée du 13 juillet 2016

Avant d’arriver sur le site de l’occupation, le 15 octobre 2011, je n’avais lu qu’un seul sociologue. Au début de la vingtaine, on m’avait conseillé de lire : « Le Choc amoureux » de Francesco Alberoni. Dans ce livre[i], qui a connu un succès populaire durable, le début d’une relation amoureuse entre deux êtres humains est défini comme étant un cas particulier de mouvement collectif à l’état naissant. Un aspect intéressant de cette thèse, c’est qu’à peu près tous les adultes ont connu au moins une relation amoureuse dans leur vie. Quiconque a déjà été amoureux a donc une expérience personnelle à laquelle se référer pour comprendre ce qui lui arrive, si d’aventure il s’engage dans un mouvement social émergent.

En 2011, je satisfaisais aux conditions énoncées par Alberoni pour « tomber amoureux » au sens général de participer à la naissance d’un mouvement social. J’allais à la rencontre d’étrangers, au propre comme au figuré, en participant à des rencontres publiques de toutes sortes et en prenant la parole sur ce blogue. Sans le savoir, j’étais donc disposé à quitter ma « famille » sociale pour en fonder une nouvelle, avec les ruptures et les découvertes qui s’ensuivent nécessairement.

En février 2013, dans un colloque international réunissant des spécialistes des mouvements sociaux[ii], je me faisais une idée de l’état des connaissances en la matière. Il semble que la lignée de la sociologie des mouvements remonte à l’École de Chicago. La méthode privilégiée pour étudier un groupe social est de faire une étude de terrain qui consiste généralement à recueillir des entrevues individuelles menées avec un échantillon de membres du groupe, en nombre suffisant pour en tirer des données statistiques. Dans le cas des mouvements sociaux, étant donné le caractère éphémère de leurs manifestations, on essaie d’identifier la cause commune qui explique le mieux l’apparition du mouvement. Aussi, on s’intéresse aux actions collectives qui sont employées par ces mouvements pour se faire entendre. Par exemple, lors du colloque en question, les présentations attribuaient comme cause commune au mouvement espagnol du 15 mai 2011 et au mouvement international du 15 octobre 2011 l’opposition aux mesures d’austérité mises en place suite à la crise de 2008 des subprimes américains laquelle avait forcé le renflouement d’urgence du système financier mondial. Les observations étaient intéressantes mais je suis resté sur ma faim car il me semblait qu’elles n’arrivaient pas à rendre compte de plusieurs faits sociaux intéressants. Par exemple, les participants d’un mouvement social produisent une culture commune par le simple fait de vivre des événements en commun.

Depuis, d’autres lectures m’ont aidé à donner un sens au phénomène des mouvements sociaux. Je souligne notamment les œuvres de René Girard et de Norbert Elias, le premier pour sa perspective sur la violence collective, le second pour la dynamique des groupes sociaux.



[i] Le Choc amoureux, Francesco Alberoni, 1979. (wikipedia)
[ii] Street Politics in the Age of Austerity : From the Indignados to Occupy, ed. Marcos Ancelovici, Pascale Dufour, Héloïse Nez, ISBN:9789089647634.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire