Rappel : L’être humain se repère dans son environnement notamment à l’aide de ses organes sensoriels. Il fait l’expérience de sensations par ces organes et il fait l’expérience de concepts par sa pensée. La perception est ce qui généralise la sensation et la conception.
René Magritte, artiste-peintre, source Wikimedia |
Imaginons
un homme en train de se promener dans une forêt inhospitalière au crépuscule.
Tout à coup, l’homme se fige et toute son attention se porte sur un bout de
bois tordu qui dépasse des herbes et qu’il a pris pour un serpent. À cause de
la pénombre, il ne peut pas tout de suite se rendre compte de son erreur et il
pense vraiment que le bout de bois est un serpent. Immédiatement son corps se
met en alerte afin de se défendre ou de s’enfuir devant la menace perçue. Bien
au chaud, entouré de ses amis, il racontera plus tard comment il a cru voir un
serpent qui s’est révélé au bout d’un moment n’être qu’un simple morceau de
bois.
Cette
histoire illustre bien le rôle essentiel des sens dans la perception. Si l’homme
n’avait pas vu le bout de bois, il n’aurait pas pu le prendre pour un serpent.
En revanche, il aurait pu tomber sur un vrai serpent qu’il aurait correctement
identifié comme un danger. Étant un être humain, il a l’avantage de pouvoir
employer des symboles pour raconter son expérience plus tard à ses amis. Mais
même sans cette capacité de communiquer, d’autres animaux démontrent la même
propension à percevoir des êtres animés ou inanimés dans leur environnement et
à réagir en fonction de ce qu’ils perçoivent.
Dans la
pratique de la méditation, on commence souvent en portant attention aux
sensations premières qui proviennent des sens. Par exemple, la sensation de l’air
qui entre et sort des narines pendant la respiration est une chose à laquelle
on ne pense d’ordinaire jamais mais à laquelle il est facile de s’attarder
lorsqu’on a pris une pose méditative et calmé notre esprit.
La dernière
fois, nous avons choisi de prendre comme base de la perception les interactions
issues de la coexistence. Dans l’histoire du promeneur, les êtres comprennent,
entre autres, l’homme, le bout de bois et les amis à qui l’homme raconte son
expérience. Ce qui n’est pas dit, c’est comment l’homme s’est trompé
et a pris le bout de bois pour un serpent. Même s’il a bel et bien cru voir un
serpent, on comprend que c’est en apercevant le bout de bois grâce à la vision
que lui procurent ses yeux que l’homme a d’abord eu la possibilité de se tromper.
Ensuite seulement la disposition du bout de bois partiellement
dissimulé dans les herbes et difficile à distinguer dans la pénombre a donné à l’homme l’illusion d’un serpent. Cette illusion se produit évidemment
dans l’esprit du protagoniste et non dans son environnement, pourtant cet
aspect de son expérience lui échappe complètement tant et aussi longtemps qu’il
ne s’est pas rendu compte de son erreur.
La langue d’usage
commun — au moins le français — ne permet pas de distinguer, sans autres
informations, si un être sensible veut dire l’être qui perçoit ou l’être qui
est perçu. Il s’agit peut-être là d’une sagesse puisque le serpent est bel et
bien considéré existant par le promeneur dans les bois, ne serait-ce que pour pouvoir
ensuite se rendre compte de son erreur. En racontant son expérience à ses amis,
il se trouve que l’homme dit qu’il a cru voir un serpent. Il importe peu à ce
moment de l’histoire de savoir si le serpent est réel ou une illusion. Puisque
nous sommes dans le cadre d’une réflexion sur la coexistence et que ce qui nous
intéresse ce sont les sensations et les perceptions de l’être humain, il est
naturel de suivre l’usage courant et de ne pas présumer que l’être sensible est
précisément ce qui perçoit ou ce qui est perçu. Ce qui importe, c’est de savoir
qu’il est question de perception. Dans notre exemple, le serpent peut
correctement être désigné comme un être sensible puisqu’il est perçu par le
promeneur, même si par la suite il se révèle n’être qu’une illusion.
En
suivant cette façon de concevoir l’existence sensible, nous en arrivons à
définir un ensemble de perceptions, lesquelles peuvent parfois être illusoires,
mais qui se conçoivent bien, soit comme des expériences directes des sens ou
soit comme des expériences de l’esprit. En prenant les perceptions directes des
sens comme sous-ensemble nécessaire, on construit le reste de l’ensemble de
manière à ce qu’il soit complet et bien défini, sans chercher à en faire une
description exhaustive. De cette façon, nous avons établi un fondement solide
pour désigner et comprendre la perception.
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