Rappel : Pour comprendre la coexistence humaine, nous avons choisi une définition de l’animal humain proche de celle du sociologue Norbert Elias. Suivant son exemple, nous avons adopté une théorie des symboles bien ancrée dans la réalité physique de l’être humain et nous avons testé, avec l’exemple du prion, les limites du matérialisme quand vient le temps de clarifier un symbole aussi important que celui de la vie. Ceci nous a conduits à revenir à notre point de départ, qui se situait en biologie, et à appréhender l’existence par la voie des sens. La dernière fois, nous avons fixé le concept d’existence sensible en déterminant un ensemble de perceptions comprenant notamment le résultat du fonctionnement des organes sensoriels, mais aussi les conceptions de l’esprit, que nous considérons comme des perceptions au même titre que les sensations.
Photo de Francesco Paconi (Wikimedia) |
Une
perception particulière est toujours composée d’un objet perçu et de ce qui perçoit
cet objet. La plupart des perceptions directes comme la vue et le toucher sont
naturellement associables à des phénomènes physiques et chimiques en partie élucidés
et reproductibles par l’être humain à l’aide de matériaux synthétiques. Par
exemple, les caméras d’aujourd’hui captent des images de haute qualité avec une
acuité visuelle que nos yeux n’arrivent pas à égaler. Même des perceptions de l’esprit
comme l’espace peuvent être reproduites artificiellement à l’aide d’ordinateurs
programmés pour tenir compte des lois de la perspective. Des véhicules à
conduite automatisée partagent les voies publiques avec les automobilistes, les
cyclistes et les piétons, ce qui amène dans l’actualité des questions morales
concrètes concernant la sécurité et la responsabilité en cas d’accident
impliquant ces véhicules.
Les
êtres humains, comme tous les animaux, ont des perceptions individuelles. Nous
parlons ici des sensations et des pensées qui se produisent dans l’esprit d’un
individu particulier. Les perceptions individuelles incluent des perceptions
non-communes, telles les perceptions directes des sens, mais beaucoup de
perceptions individuelles sont aussi des perceptions communes à plusieurs
individus. En effet, rappelons que l’être humain a la faculté d’utiliser des
symboles pour se repérer dans son environnement et aussi de transmettre ces
symboles d’un individu à l’autre, par-delà les générations. Les êtres humains
ont donc des perceptions en commun. C’est ce qui se passe, comme
je le racontais au tout début, au cours de cette rencontre imaginaire avec quelqu’un
qui ne parle pas ma langue mais avec qui je peux quand même échanger sur le
Soleil. À nos perceptions individuelles de l’astre du jour s’ajoute une
perception du Soleil commune aux deux interlocuteurs. Le cas échéant, nous
pourrons nous souvenir de cette façon de voir le Soleil et la communiquer à l’aide
de symboles à d’autres humains.
Une
perception commune peut transcender la langue et le temps. Par exemple, je
perçois — plus précisément : je conçois — les grandes pyramides d’Égypte
tout comme ont pu les percevoir des contemporains de leur construction et les
innombrables générations qui nous séparent.
Depuis
l’avènement de la science moderne, on observe une tendance à classer les
perceptions en deux catégories : les perceptions subjectives et les connaissances
objectives. À ce point-ci, il est important de noter que ces catégories sont
différentes de ce que nous appelons les perceptions individuelles et les
perceptions communes. Les perceptions subjectives correspondent à peu près aux
perceptions individuelles non validées par la méthode scientifique et les connaissances
objectives aux perceptions communes appuyées par des théories scientifiques. Dans
le cadre de nos investigations, la perception est d’abord et avant tout un
phénomène sensible, qui peut concerner un seul individu tout comme il peut être
commun à plusieurs individus, sans jugement de valeur préalable. Pour nous,
toute connaissance scientifique est une perception commune et toute perception
commune est aussi une perception individuelle pour les individus qui la
partagent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire