2 août 2011
Le comportement de la direction de Quebecor commence à me préoccuper sérieusement. Au mois de juin 2010, Quebecor avait déjà retiré le Journal de Montréal et le Journal de Québec du Conseil de presse du Québec et cette année elle récidive en retirant Sun Media du Conseil de presse de l’Ontario. Voici ce que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec disait l’an dernier dans un communiqué intitulé « Québécor refuse l’auto-réglementation » :
Mécontent de quelques jugements récents qui ont blâmé ses journaux, Quebecor affirme que les décisions du Conseil sont pauvrement étayées et "arbitraires". La FPJQ estime que ce n'est pas en claquant la porte qu'il sera possible d'améliorer, si cela est nécessaire, la qualité et l'uniformité des décisions rendues par l'organisme tripartite. Les journaux Quebecor, dont les représentants successifs n'ont assisté qu'à UN seul comité des plaintes depuis le 24 mai 2002, sont mal placés pour juger des décisions auxquelles ils ont refusé de participer.
Ce retrait unilatéral cache un problème beaucoup plus profond. À quelles normes éthiques et déontologiques les journaux de Quebecor ont-ils l'intention de souscrire? Quebecor ne précise pas, noir sur blanc, ses intentions. Le groupe ne s'est pas doté du moindre mécanisme crédible pour recevoir et traiter, de manière indépendante, les plaintes du public.
En se retirant du Conseil, Quebecor enlève aux citoyens un recours simple et accessible, parfois le seul recours dont ils disposent, pour tenir ses journaux imputables de quelconque manquement à l'éthique et à la déontologie. En effet, la grande majorité des fautes en journalisme ne peuvent trouver réparation devant les tribunaux. Un reportage déséquilibré, par exemple, peut constituer une faute déontologique mais ce n'est certainement pas une faute au sens légal. Dans de tels cas, seul le Conseil de presse est en mesure de trancher la question.
À mon avis, les décisions contestées ne sont pas arbitraires. (Jugez-en par vous-même en consultant le site de l’Observatoire du journalisme). Selon le Conseil de presse, dans un communiqué intitulé « Le Conseil de presse rappelle à Quebecor son obligation d'imputabilité », le retrait des journaux de Quebecor pourrait conduire à une intervention de l’État :
Le retrait des journaux de Quebecor du Conseil de presse, qui s’inscrit dans la même lignée que le départ précédent de Sun Média du Conseil de presse de l’Alberta, fragilise le mécanisme d’autorégulation des médias qui existe au Québec depuis 1973 et pourrait rendre inévitable une intervention de l’État. La majorité des responsables des entreprises de presse du Québec demeurent au Conseil de presse du Québec et produisent environ 60 % des informations consommées par les Québécois. Ils croient toujours au bienfait de l’autorégulation des médias et invitent M. Péladeau à revoir sa décision et à en discuter avec M. Gomery lors de leur rencontre, prévue le 15 juillet prochain.
Je suis certain que Quebecor a interprété cette affirmation comme une menace venant d’un organisme illégitime. En effet, à la lecture des publications de Quebecor, on comprend que l’État y est vu comme un ennemi. Par exemple, madame Elgrably-Levy expliquait récemment dans sa chronique que ses attaques contre le financement public des arts s’inscrivaient dans une opposition entre «liberté» et «étatisme».
La direction de Quebecor peut bien considérer l’État comme un ennemi. Elle a droit à son opinion. Ce qui me préoccupe, c’est qu’elle s’en prend à des organismes qui jouent un rôle essentiel dans la protection du public. Je peux en témoigner : j’ai déjà eu à recourir aux services du Conseil de presse du Québec et j’ai été satisfait du déroulement de la procédure. Tel que rapporté ici, je me suis plaint au Journal de Montréal (et ensuite au Conseil de presse) au sujet d’une chronique d’opinion que je jugeais contraire à l’éthique. Ma plainte n’a pas été jugée recevable, mais je l’ai su rapidement et j’ai pu passer à autre chose. Sans l’existence du Conseil de presse, j’aurais eu bien du mal à me faire entendre.
Ce qui me préoccupe également, c’est de constater que Quebecor a une influence réelle sur l’opinion publique mais semble refuser toute imputabilité. Il est intolérable qu’un organisme de presse ne reconnaisse aucune autre autorité que celle des Cours de justice.
La presse n’est pas un service comme un autre. La liberté de la presse est reconnue comme une valeur fondamentale de notre société démocratique et Quebecor, en tant que leader du monde de la presse, doit se comporter en citoyen corporatif responsable et doit faire preuve de respect envers les citoyens du Québec et du Canada. En ciblant systématiquement les conseils de presse de l'Alberta, du Québec et de l'Ontario, Quebecor envoie le message qu'elle ne veut plus écouter les citoyens par l'intermédiaire de ces tribunaux d'honneur. Personne ne veut d'intervention de l'État dans le fonctionnement de la presse. Alors comment la direction de Quebecor propose-t-elle de remédier à ce déficit démocratique?
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